Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

jeudi 19 mars 2015

Ma Twingo et moi

On a un problème, nous les femmes, avec les voitures. Et maintenant, j'en suis convaincue.
 
Je sors de chez Roady, le garagiste.
Il m'a changé les deux pneus avant.
J'ai crevé.
En allant au travail, sur une route de campagne où les gens filent à toute allure vers leur destinée laborieuse de la journée. Autant dire : j'ai crevé, seule au milieu des autres.
 
Alors j'ai rassemblé tout mon courage et ma mémoire vive pour rechercher dans mes souvenirs comment faisait papa.
Je me suis dirigée vers le coffre de tous les espoirs, j'ai soulevé ce maudit faux plancher et j'ai abordé ma roue de secours :
 
– Alors, toi t'es là ! Et ton copain le cric, il est où, lui ? Ah, oui, dessous…
 
Je soulevai donc ma roue de secours et empoignai le « copain » cric en l’auscultant comme l'Homme de Néandertal découvrant le silex. Je le tournai, le retournai, actionnai la manivelle dans le vide en regardant béatement l'écartement des deux bras de levier augmenter, jusqu'à ce que la révélation se produisît, c'est-à-dire que mon expérimentation tâtonnante entrât en résonance avec les bribes de souvenirs de mon père qui bricolait.
 
Je me dirigeai alors, pleine de conviction, vers le lieu du méfait et soumis mes supputations à l'épreuve du réel. Sans hésitation, j'emmanchai l'engin au châssis, et, d'un claquement de doigt, je me mis à soulever ma demi-tonne de Twingo – qui, vu l'âge, avait dû prendre du poids, ah non c'est vrai, elles, elles ont plutôt tendance à laisser des pièces sur le bord de la route… – pas peu fière.
 
J'aurais bien voulu que papa soit là pour admirer ma dextérité, ou au moins un spectateur, mais que dalle. En cette heure de la journée, les âmes serviles et routinières fuyaient toutes, sur la même rengaine d'indifférence, vers leur but précis et contraint. Et si, du coup, personne de disponible pour m'admirer, encore moins pour m'aider. Car, aussi fière de moi que je fusse, (qui pensais avoir fait les trois quarts du boulot), il fallut bien tout de même que je consente à admettre que l'enjeu ne consistait pas uniquement à soulever la voiture, mais surtout à retirer le pneu crevé pour y substituer la roue de secours.
 
Et là, l'ingéniosité du cric ou de toute autre machine conçue pour rendre la vie des femmes plus facile n'aurait servi à rien vu que les quatre écrous servant à fixer la roue au moyeu étaient aussi serrés qu'un pot à cornichons refermé par Hulk et que, dans ce cas, même l'outil inventé spécialement pour l'ouvrir (appelé clé à pipe dans le cas présent) ne sert plus à rien. Plus question de prouesses techniques donc, mais d'une démonstration de sirtaki un peu enragé avec coups de talons à en faire péter les ceusses sur l'écrou. Et, pour m'accompagner dans cette décrépitude, non, pas Zorba le Grec descendu de son beau nuage, ou alors que le nuage, car il se mit à pleuvoir.
Mais, au bout d'une bonne demi-heure de sirtaki, Veni Vidi Vici !! ma roue de secours était en place ! Et une foule en liesse venue du même nuage que Zorba faisait une ola en mon honneur.
 
Trempée, les talons niqués et les cuisses crampées, je m'engouffrai dans ma Twingo, un peu saoulée tout de même, mais lorsque j'arrivai au boulot, en retard et les mains noires de graisse, je pus savourer les bienfaits de ma mésaventure en me la racontant comme d'un exploit, avec fausse modestie, suscitant l'admiration des collègues (féminines uniquement bien sûr) « Mais tu as su changer ta roue toute seule ? – Oh, tu sais, on s'en fait tout une histoire, mais en fait, c'est assez simple… ». Et qu'il ne s'agît que d'une roue changée ne changea rien à l'affaire, puisque de réconfort j'avais trop besoin.
 
Lorsque trois jours plus tard j'allai faire remettre des pneus neufs – parce qu'évidemment la loi veut que l'usure et la marque de deux pneus postés sur la même ligne soient les mêmes – malgré mon exploit mécanique, je ne dérogeai cependant pas à la règle qui veut qu'une femme dans un garage se sente comme une tranche de jambon dans un plat végétarien, c'est-à-dire, pas à sa place.
 
Le mécanicien en charge de ma voiture semblait, en plus, vouloir remodeler l'intérieur du coffre de ma voiture à coups de maillet alors qu'il était simplement censé changer les deux pneus avant, alors je m'avance (j'avais su changer une roue, c'était pas à moi qu'on allait raconter que pour changer les pneus avant il fallait passer par le coffre) :
 
– Hum… Vous faites quoi, là ?
 
Le gars se retourne, surpris, presque gêné, et m'explique que la roue de secours ne rentrait plus dans le coffre, à cause d'une déformation de la carrosserie et qu'il venait donc de débosseler l'endroit en question pour qu'elle puisse y loger convenablement.
 
– Vous vous êtes fait rentrer dedans par derrière, non ?
 
Mince, je venais de jouer à l'inspecteur des travaux finis alors même qu'il faisait du zèle sans contrepartie. Je me composai donc vite un sourire qui balaya mon air soupçonneux des minutes passées.
 
– Ah ? Euh… Oh là là, oui, si vous saviez, je me suis fait rentrer dedans de tous les côtés.
 
Je ne sais pas si c'est la mini-jupe ou mon air nounouille ou les deux qui m'inspirèrent cette réponse, mais je m'en voulus aussitôt.
 
Son collègue, affairé sur la Volkswagen juste à côté, gloussa.
 
« Vite que j'me casse de là ! » me cria mon subconscient.
 
Je souris, sans savoir s'il fallait, serrai les cuisses instinctivement, et quittai l'atelier.
 
Malheureusement, aux caisses, – et là plus l'ombre d'un doute, j'étais victime d'un sabotage, en tout cas, ça n'aurait pas été pire d'avoir un panneau sur la tête écrit : « Je suis une femme, être fragile dénué de tout bon sens en matière de mécanique ou des choses trop compliquées, mon portefeuille vous tend les bras ! » – on me tendit la facture (salée voire épicée) mais aussi ! une estimation de toutes les réparations à prévoir pour la modique somme de grosso-merdo mille euros, mais c'est pour vot' bien m'dame ! Sinon, vous passerez jamais le contrôle technique
 
Mais bien sûr… La prochaine fois, je viens en moustache et salopette, moi j'vous l'dis !







samedi 7 février 2015

Médi-tension

Méditation de merde qui rime à rien !
 
J'étais en train de méditer quand j'entends le mec me dire : « Je ne m'accroche à rien, je lâche prise… » Putain, mais c'est ce que je fais depuis toujours, ça. Je ne m'accroche jamais à rien et je lâche prise, mais quelles prises ? Bordel de merde ! Y m'a énervée, le mec. Avec sa voix de moine neurasthénique. J'ai sauté sur le bouton stop en l'invectivant de noms tous aussi pieux les uns que les autres.
 
Excusez-moi. Mais depuis quelque temps, je travaille sur moi. Trop peut-être, du coup. Je ne sais plus. De toute façon, j'ai pas le choix, vu ma vie de merde.
 
Alors, dès qu'une proposition de mieux-être se profile, sous quelque forme que ce soit, je saute dessus.
 
Un régime alimentaire, une méthode de relaxation, un livre de développement personnel, une tisane miracle et autres remèdes de grand-mère, je prends tout !!!
 
Je suis prête à suivre n'importe quel gourou venu, trompe-couillons ou prêcheur de bonne parole, tellement j'en veux du mieux-être. Si seulement on achetait ça en paquet de dix au supermarché, j'aurais déjà mis une OPA dessus !
 
D'habitude, je prends sur moi, car je sais que je me fais abuser par mes mauvaises habitudes de pensée, mes conditionnements névrotiques et autres billevesées venues de l'enfance, mais là, non ! C'est trop, c'est la goutte d'eau, il me nargue ou quoi ?
 
Je ne m'accroche à rien, qu'y dit… Mais Francis (ou Gérard ou Daniel ou Jean-René, je m'en fous), c'est ça, mon problème, justement !! Tu peux pas utiliser cette phrase pour essayer de me tirer de là, c'est pas possible, trouve autre chose !! 
 
Qui y croit de toute façon à « Tout passe sur moi comme la bise sur la plaine… Le roseau fléchit, mais il ne rompt point… Je ne m'accroche à rien, je lâche prise… » En général, quand t'as besoin d'entendre ça, c'est que tout passe sur toi comme des braises sur une plaie, que le roseau est cassé et que t'as les doigts dans la prise !!!
 
Je suis en panique, maintenant, t'es content ? Énervée comme une grenouille sur la paillasse du scientifique. Grâce à tes conseils de moine bouddhiste, c'est moi qui suis en bout de piste !
 
Et puis j'en ai marre de suivre tous ces cours débiles avec musique à enterrer les vivants, où on te fait croire qu'à force de persévérance et de pratique tu atteindras enfin le bonheur (en tout cas, beaucoup moins riche qu'avant).
 
La méditation du Lac… J't'en foutrais, moi, de méditation du Lac ! Je te la fais pour moins de vingt euros la séance moi, ta méditation du Lac et tiens ! sur Magic System, ça sera un peu moins emmerdant.
 
Tu ferais mieux de passer ton bac, tiens, si tu veux que la dép' rime, parce que je suis sûre que t'as choisi le filon pour pas trop te casser le front (à défaut d'une meilleure rime mais plus vulgaire). C'est facile de faire croire à des miséreux que le bonheur est à portée, quand tu penses à tous les œufs que cela va t'apporter.
 
Premier cycle de formation offert, vous faites une économie de 1300 € ! Ça, ça laisse méditer, par contre…
 
Le bonheur s'achète… Et moi, tout ça m'achève…
 
Mauvaise passe, sûrement, dégoût de tout… ce qui n'avait déjà pas beaucoup de saveur…
 
Et le plus drôle dans tout ça (ou pas), c'est que quand j'étais petite, ma maman m'avait acheté une peluche, un éléphant, et elle m'avait dit de l'appeler « Bonheur ». C'était ma peluche préférée.
 
Et maintenant, il est là, mon Bonheur, à côté de moi, tout le temps, il me nargue, de ses grands yeux noirs…














samedi 24 janvier 2015

Je suis Charlie !

Non, pas de grand discours, la tristesse des événements se suffit à elle-même. Et tout a été dit. Trop même, et on ne trouve plus rien à dire. On a usé le quota de larmes et de discours bien pensants, on s'est restreints dans la décence et le politiquement correct trop longtemps, (la bonté et la douceur de l'âme humaine a ses limites qu'on ne sait maintenir trop longtemps tellement pourris de la moelle qu'on est (certainement un relent du péché originel)). Alors on déborde gaiement maintenant, on gratte, on fouille les immondices, les dépouilles de nos chers défunts comme des charognards pour voir si on y trouverait pas un peu de culpabilité, une petite odeur de scandale, de polémique !!! Et gentiment, comme ça, l'air de rien, on glisse jusqu'au moment délectable où on cherche des circonstances atténuantes aux coupables, révélant par là même notre potentiel de traîtrise, de sadisme, notre noirceur cachée derrière nos belles intentions de départ gravées historiquement dans ce grand rassemblement du 11 janvier. C'est qu'on en veut de l'émotion, et quand la tristesse est partie, c'est la colère qui la remplace, qu'ils nous aient quittés trop tôt, alors on se venge sur les victimes elles-mêmes et on les assassine à nouveau.
 
Mais pas vous, monsieur le pape ! Non, pas vous !
 
Si je résume votre position en quelques propos que vous avez tenus récemment, synthétiquement : « Si moi, on insultait ma mère, j'aurais envie de frapper. » «  Il faut respecter les religions. »
 
MAIS MERDE, FRANCOIS !! Qui c'est qui ne respecte pas là ?? Qui c'est celui des deux qu'a le moins respecté l'autre, là ? On zigouille dix-sept personnes dont des dessinateurs chéris de notre culture et on en est encore à se demander si on devrait pas respecter la religion ? On ose nous bassiner encore avec un foutu droit au respect de nos deux (si on en a) ? Mais qui c'est qui ne respecte rien à la base ? Qui c'est qui véhicule une religion de violence où on bafoue les droits primordiaux de l'être humain ?
 
Nos chers dessinateurs ne font que dénoncer, revendiquer un droit au respect de l'intégrité corporelle et de la sécurité de l'être humain, d'abord et avant tout, et ensuite un droit à la liberté d'expression. Ils dessinent en réaction, pour dénoncer, pour dire les choses, et non par méchanceté ou pour blesser gratuitement ! Qui de la poule ou de l’œuf ? Eh bien voilà justement ce qu'il faut comprendre. Le blasphème (si vraiment on veut appeler ça comme ça) est venu en second par rapport aux exactions hautement plus condamnables commises par les fanatiques religieux intégristes.
 
Et même le pape n'est pas capable de comprendre ça ? Il défend des comportements psychotiques où des gens cons et illettrés qui n'ont pas accès à la fonction symbolique passent à l'acte ! Ce sont des comportements psychotiques, ça, Monsieur le pape ! Et quand bien même on insulterait votre mère, M. le pape, la vôtre ou même la Sainte mère, ôtez-moi d'un doute, vous ne passerez pas à l'acte ? Alors comprenez que dire qu'il faut arrêter les caricatures par respect, c'est donner raison à tous ces psychotiques et leur permettre d'installer une religion de violence à leur guise ! Ils doivent supporter la frustration comme la plupart des êtres humains (sans parler de ceux qu'ils font souffrir depuis des lustres et à qui on ne demande pas si, par respect, on ne pourrait pas arrêter de les torturer, eux).
 
Et si Allah n'est pas d'accord, au fait ? Croyez-vous qu'il ait besoin d'être défendu par une armée de malformés du bulbe ? Par hasard, s'il est si grand (paraît-il), il ne pourrait pas se défendre tout seul, plutôt que d'avoir besoin de toute cette armée de dégénérés pour défendre des intérêts que, si ça se trouve, il ne partage même pas du tout ! Peut-être que ça le fait marrer lui, ces caricatures ? Et peut-être SURTOUT qu'il attend que ses fidèles prouvent leur foi de façon INTELLIGENTE !!!? SI CA SE TROUVE ?
 
Alors, Monsieur le pape, permettez-moi, sur ce coup-là, de blasphémer à ma guise et de rééquilibrer un peu les scores du blasphème entre les différentes religions, mais... je vous emmerde !