En tout cas, celui de ma ptite nièce
qui explosa en pleurs vu le niveau sonore de la harangue
stéréophonique qui dut servir à rameuter plutôt les habitants de
Pluton* que ceux du coin, moins enthousiastes, le jour
où nous choisîmes d'aller au cirque, pour changer. Alors vite !
Un coup d’œil aux
fresques dessinées sur les tentures du chapiteau pour recentrer son
attention sur « les lions qui font peur », une imitation
du rugissement (assez vraisemblable pour la faire éclater de rire)
et c'était bon, enfin presque…
Qui
aurait cru que retomberait si vite notre engouement initial ?
Grammaticalement,
il y avait pourtant une anguille : où était le référent ?
L'un des plus grands spectacles de cirque, certes, mais…
rapporté à quoi ? Au monde ? Du pays ? De la région ?
Du quartier ?
Pourquoi avait-on subtilement mis un voile sur le référent ?
Eh
bien tout simplement parce qu'il fallait traduire : « Bienvenus
au Cirque de la misère !!! Avec ses clowns pas drôles, ses
acrobates frileux et ses dresseurs d'animaux léthargiques ! »
Chaque
numéro sembla une parodie de lui-même : les clowns ne furent
pas drôles, dotés d'un manque d'expressivité et d'enthousiasme
remarquable, usant de gimmicks éculés plutôt destinés à faire
pleurer que rire, et complètement impassibles devant le peu de
réactivité de l'assemblée ; les chevaux se cassèrent la
gueule après un tour de piste et le clou du numéro consista à leur
faire poser une patte sur un tabouret ; les acrobates
exécutèrent des numéros de cour de récré que ma petite nièce
aurait faits aussi bien (voire mieux) ; les tours de magie
laissèrent perplexes non parce qu'on ne vit pas les ficelles, mais
parce qu'on ne vit pas ce qu'il y avait de soi disant extraordinaire
à voir. Mais le pire (et bonjour pour expliquer ça à ptit bout
d'nièce)… les lions !
Ou plutôt… leur
absence ! Point de lions donc, si ce n'est Roger, le vigile,
déguisé en lion le temps de venir saluer, à la fin du spectacle…
Roger, qui d'ordinaire fait la gueule, planté dans un coin du
chapiteau, forcé en plus de porter la croix, érigé ouvertement en
symptôme manifeste d'un cirque malade…
Le
seul talent à leur reconnaître mais qui fût aussi leur drame :
leur capacité à endosser plusieurs rôles, puisque le maître de
cérémonie était aussi le clown et le dresseur, et l'acrobate, la
magicienne, ainsi que l'ouvreuse, la caissière et la vendeuse de
barbes-à-papa à l'entracte. Avec son corollaire assez peu
réjouissant d'avoir à subir une quête toutes les demi-heures :
une pour le développement du cirque (à laquelle on eut du mal à
souscrire du coup), une pour la stagiaire acrobate (ah bon ? Où
ça ?), et une pour… la forme ? (Au passage, on comprend mieux les
1h45 de spectacle affichées…)
En
somme, un petit microcosme d'automates, programmés à
réaliser des numéros aux gestes stéréotypés exécutés dans une
cadence stakhanoviste et un oubli de soi résigné, seulement
capables de nous balancer en pleine gueule leur immense lassitude.
Alors
on applaudit bien sûr, on est polis, mais c'est pour essayer de
faire venir un peu de magie là où elle manque cruellement… et
espérer quand même que ptit bout d'nièce, qui n'engramme pas
encore bien les expériences pour comparer, y trouve quand même un
peu d'émerveillement.
Ces
spectacles-là devraient être gratuits, voire même devrait-on être
payés pour y assister vu le mal que l'on s'y fait à piétiner nos
doux souvenirs d'antan…
*je
pense qu'il y en avait d'ailleurs, si l'on considère d'un autre œil
le mec avec tous ses colliers lumineux qu'arrêtait pas de nous
tourner autour en scrutant nos portefeuilles.