Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

dimanche 29 juin 2014

Guy Lagache

J'ai passé le week-end à essayer de sortir de ma solitude, en mode tête chercheuse.

J'ai 34 ans, je viens d'être promue tata une seconde fois par un petit garçon adorable, la première (une petite fille) datant déjà de deux ans. Ils sont mignons, je les adore, mais ils ont le défaut d'inaugurer une ère du renouveau qui pousse tous ceux du siècle dernier à l'obsolescence. Sans compter que personnellement, j'atteins l'âge fatidique, le cap des 35 où celui à partir duquel tu risques d'avoir des enfants trisomiques. (elle est pas belle la vie ?)
 
Donc, mode tête chercheuse ce week-end et tous ceux qui suivront.
 
Samedi, je suis donc allée au centre commercial avec le prétexte des soldes, mais le vrai but était tout autre : trouver un mec (et le bon si possible). Pour moi, un vrai exercice de lâcher prise, car si je fus sur la défensive jusqu'ici, les 35 balais qui approchent me font refuser de jouer encore le mystère (la timide quoi, mais ça fait faute avouée).
 
Je me répète en leitmotiv que je dois m'ouvrir et laisser les mecs venir à moi comme les mouches autour du pot de confiture (mais une belle mouche si possible).
 
Je passe le portillon d'entrée de chez Cultura. Ouah, ça marche ! si j'en crois le regard aguicheur que me jette le mec de la sécu. Il me scanne des pieds à la tête, comme si j'avais une étiquette Produit frais à consommer sur place. Oui, c'est un black et oui, d'accord, ils sont tous comme ça pourvu que tu sentes un peu les oestrogènes. Je n'insiste pas trop, même si, vu ma date de péremption, ce serait pas du luxe que… Non, ce que je cherche, c'est autre chose ! Et sur ça, je ne transigerai pas maintenant ! L'heure est grave ! C'est un reproducteur qu'il me faut, et pas de grande distribution de surcroît, une petite coopérative me suffirait.
 
J'arpente les rayons de luxure, euh… de culture, je me fonds entre les étals de livres en essayant d'y trouver quand même un intérêt. Tiens, cherchons les d'Ormesson pour voir si j'avais rhabillé papi un peu trop vite (voir le post précédent). Mince, je trouve pas d'Ormesson… C'est un signe ? Ah non, il faut chercher à « O » bien sûr… Ah, par contre, je trouve Djian et Despentes… Voyons… Baise-moi ou Mise en bouche… J'hésite… Je songe à piper les « D », euh… à quitter les « D », parce que je ne veux pas réveiller la perverse qui est en moi (surtout que Vas-y Francky est à deux pas, ben oui, le mec de la sécu), donc j'amorce un volte-face en partance vers d'autres achalandages.… et là ! Mon cerveau fait la culbute sur l'aire de Broca et j'en perds tout mon latin ! Il est là, juste devant moi, à quelques mètres de distance, le nez dans quelque bouquin, telle une vision christique ! C'est Lui, c'est l'Elu ! Le mâle alpha ! Visage buriné, chevelure souple à la Guy Lagache. Le mec qui faisait tomber toutes les filles quand il était jeune et qui continue quel que soit son âge. Le mec qui sait même pas qu'il est magnifique. (Mais si vous voyez ? Pour les filles, celui qui déclenche la réaction du loup de Tex Avery, et ptet pour certains hommes aussi…;-))
 
J'humecte bien mes lèvres, je dégage mes épaules et je te remonte l'allée à la Charlize Theron dans la pub J'adore de Dior. Dans ma tête, y a la musique même… À deux pas de lui, je passe ma main dans mes cheveux tout en ramenant une mèche négligemment sur ma joue… Je vais faire semblant de m'intéresser à un livre sur le même étalage que lui et quand il aura senti la puissance de mon aura sexuelle et qu'il sera obligé de relever la tête, ému par autant de charisme…
 
« Chéri !! Regarde ça ! » fait une blondasse qui remonte vers nous, un livre à la main. La vache ! c'est le dernier d'Ormesson, en plus, comme si mon calvaire n'était pas assez douloureux.
 
Putain !! crié-je intérieurement. La salope ! (ah oui, c'est vrai tous les mecs de mon âge et plus sont casés, j'avais oublié ce petit détail). Je remets ma robe intérieurement (merci Charlize) puisque je viens de me prendre une veste et je fais « volte-flasque » cette fois.
 
Comment qu'on s'inscrit à l'UNAPEI ? (Union Nationale des Amis et des Parents d'Enfants Inadaptés*)…
 
* oui, c'est limite, je sais, mais qui a dit que je devais me limiter ?

dimanche 22 juin 2014

Mais qui est Jean d'Ormesson ?

Un samedi soir sur la terre, comme chante Cabrel… avec en moins cette promesse d'une belle rencontre, alors je m'en remets à mon guide spirituel trompe-solitude, la télé. Et dans le fauteuil bleu du pape de France 2, un vieux monsieur au teint hâlé, aux dents immaculées, à la tenue presque parfaite (un sans faute sur l'échelle de Cordula) : un académicien ! (à savoir quelqu'un qui a désormais le droit de sortir un livre sur n'importe quoi en bénéficiant d'une promotion phénoménale). Mon instinct m'invite à changer de chaîne, car j'ai déjà entendu plusieurs fois pépé nous enfoncer ses portes ouvertes sur son ton professoral et évangélique et ça m'énerve. Et puis non, mon petit côté maso me fait rester. Et je ne suis pas déçue. Vas-y que papi bling-bling te sort tous ses poncifs sur la finitude de l'humanité et le sens de la vie, en parsemant ses saillies de citations plus ou moins en rapport avec le propos « Comme disait mon cher ami Gudule de la Hautecloque… » (oké j'l'ai inventé celui-là), « j'ai très bien connu Chateaubriand… » (qui va aller vérifier, en plus, vu l'âge du dinosaure ?). Et qu'on va tous mourir, fait-il en ayant pris le soin de nous avertir sur un ton sensationnaliste qu'il allait nous faire une révélation des plus odieuses. Le jeu de scène est millimétré, le ton grandiloquent (bravo la comm'). Et moi j'en ai déjà marre. Que papi, à l'approche du grand saut, se sente obligé de nous refourguer son lot d'angoisses en pleine poire comme ça, un samedi soir sur la terre… Mais je continue à écouter ce discours pseudo scientifique, philosophique, (ou de comptoir finalement), tout en me disant que n'importe qui aurait pu faire aussi bien, avec un peu d'entraînement. Un ptit coup de religion par-ci, un soupçon de sciences globales par-là (sans trop rentrer dans les détails sinon on sent l'arnaque) et puis, un peu de philo, pas trop de politique, parce que c'est plus trop la préoccupation principale de papi (soit il est au-dessus de tout ça, ou bien, plus vraisemblable, il est largué. De là à dire que sur le reste aussi, mais je ne me sens pas de pousser le bouchon jusque là.)
 
Du coup, l'assemblée ne sait pas trop sur quel pied danser : jouer l'admiration d'avoir le privilège d'entendre la performance d'un monsieur dont le nom figure dans le dictionnaire, ou bien montrer sa lassitude par des petits sourires en coin en attendant que ça se termine et qu'on remette papi au lit (attitude la plus représentée).
 
Attention je ne dis pas que papi n'a pas de talent (je n'ai pas lu la plupart de ses livres pour être honnête), mais bon sang, qu'il ne se sente pas obligé de nous donner des leçons sur la vie dans tous les derniers livres qu'il écrit et qui deviennent de moins en moins épais, à se demander si vraiment l'envie d'écrire vient de lui ou plutôt d'une commande expresse de l'éditeur qui tente de traire la vache à lait jusqu'au bout du possible.
 
Moi perso, j'en peux plus de ces discours sur la vie qui n'apportent rien au moulin, mais suffisamment par contre aux principaux intéressés qui s'en font les choux gras. Aristos, bobos et compagnie, qu'ils soient jugés avec le même étalon que les autres et qu'ils goûtent à la moiteur du placard de temps en temps.
 
Chuis dure ? Non, sincère.

mardi 10 juin 2014

Tempête dans un verre d'eau

En buvant ma tisane Hildegarde de Bingen recommandée par môman, je me demandais ce que j'écrirais là si je me mettais à écrire ce que je suis en train de penser. Puisque je ne suis pas plus inspirée, alors tentons l'exercice. Là tout de suite, je pense à mon boulot. À l'augmentation que je viens d'avoir, je souris, puis je passe à l'univers plus proche de ma tasse de tisane, en pestant d'avoir encore une fois laissé l'eau bouillir trop longtemps, ce qui me vaudra d'attendre trois heures avant de boire mon Hildegarde… Je ressaute vite dans ma rétrospective de la journée pour rester quelques secondes sur l'image du formateur de ce matin, charmant. Je saute au bruit des oiseaux dehors qui sont tout contents de retrouver le printemps. Et que ça piaille et que ça se lisse les plumes jusqu'à la prochaine averse de grêle qui, vu l'état du ciel, ne saurait tarder. Retour à ma tasse de tisane, est-elle refroidie ? Non. J'ai fait la vaisselle, au fait ? Oui. Je me repasse mentalement le programme de télé de ce soir pour voir si y aurait pas quand même quelque chose qui pourrait me détourner de cet exercice stérile. Tiens, je me souviens plus… Ah si ! des séries de flics ou de juges ; l'émission de pâtisserie (mais vu que j'ai un peu mal au ventre, je vais éviter pour ne pas me donner de mauvaises idées) et comme toujours, un film que j'ai envie de voir sur Canal Plus mais je n'ai pas Canal Plus. Et puis, comme j'ai posté à tous mes amis Facebook hier une vidéo qui nous met en garde contre les écrans qui peuplent nos vies et qui nous font passer à côté de l'essentiel ‒ enfin j'ai quand même pris le temps de liker et de l'envoyer à tous mes amis, donc je suis pas sortie d'affaire ‒, alors je vais passer sur la télé pour sauver ma bonne conscience. Je pense à ma flemme, à mon envie d'écrire, à mon manque d'inspiration, à la chienlit qui s'inscrit en direct live sur mon écran. Je pense que je suis ridicule de m'infliger ça. Mais que ça muscle au moins les doigts. Et mon esprit tente alors de s'élever vers des sphères supérieures (allez un ptit coup d'piolet et on y est), j'ai pris de la distance (comme quand on clique sur le moins de Google map) pour embrasser soudain ma pauvre condition d'être humain et l'aliénation du poids des conventions et autres diktats paralysants. Et ma tisane, elle en est où ? P***, c'est toujours aussi chaud ! Et je pense à mon retour au concret si rapide, alors que je venais de m'élever à un niveau de réflexion frôlant le Nobel de philosophie. (Tiens, ça existe ? Ché pas). Je ne côtoierai donc pas ce soir le panthéon des illustres penseurs, c'est certain… Tiens 22 heures. Déjà ? Pour bien faire il faudrait que j'aille au lit. Que j'aïoli. Je bloque sur le mot. Ça voudrait dire quoi comme ça ? Aïolier : faire de la sauce aïoli ? Tiens, ça me fait penser que je dois essayer une recette… je ne sais plus laquelle mais une recette que j'ai dans mes affaires… et si ça se trouve, à base d'aïoli ? Ce serait drôle comme coïncidence. Ou pas (thétique). Elle aime pas tous mes tics. Merde. Un rien fait sauter mes pensées. Recentration. Recentrement… ? Ah le voilà ! Recentrage ! Sur quoi ? … Sur mes doigts. Ils sont beaux mes doigts qui tapent sur le clavier. Je tape à deux doigts, dis donc, la honte. Oui, mais vite, alors, ça compense. Non, c'est trop la honte. Mais j'ai jamais réussi à taper avec tous les doigts. Sur les dix, j'en ai deux très actifs (les index), deux par intermittence (les pouces pour les espaces), deux sur le banc de touche (les majeurs pour quand les index sont fatigués) et quatre qui foutent absolument rien (les autres). Ah les boulets ! Un tit coup d'piolet, là, ça serait pas de trop, non ? Allez on monte, ou on dézoome au choix. Je pense à la Terre du coup. En disant ça, j'ai mentalement dézoomé sur Google map. Je suis une touriste de l'espace. Avec Richard Branson. Ah ! le gars quand même quand on y pense… Comme il nous met la misère. Toi t'es le quidam qui vient tenter sa chance au loto avec son rêve de piscine, de maison ou de ballon dirigeable. Lui, sans gratter aucun ticket, il arrive, et paf, il te fout sa fusée Club Med ou son Supersonic Paris New York en cinq minutes sur le coin d'la gueule. Pauvres petites merdes qu'il doit penser. Et avec son sourire et son bronzage permanents, il est énervant, non ? (comme je suis polie). Et quand on pense que d'autres types ou typettes (ou typex, encore mieux, qu'on les efface!) de son genre vont payer des millions pour passer quelques heures dans l'espace quand leurs mêmes millions pourraient sauver des millions de personnes. Franchement, seront-ils vraiment plus heureux, une fois qu'ils seront montés là-haut ? Cela va-t-il changer le cours de leur existence ? Vont-ils vraiment profiter de ces moments magiques entre les vomissements et pertes de connaissance liées aux accélérations et aux dépressurisations ? Mais qu'ils étouffent avec leurs vomissures au moment de réaliser leur prétendu rêve, ingrat pour les trois-quarts de la planète qui rêvent seulement d'avoir un peu de pain dans leur assiette. Je m'égare. De quoi remarque ? Ah oui ! Ma tisane. Merde, elle est froide.