Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

dimanche 21 avril 2013

Amen, ah la nouille, là !

Décidément pas apte à l'amour non plus, encore moins, je devrais dire. Difficile d'arriver à aimer ou à être aimé si on n'arrive déjà pas à vivre... Je suis condamnée à rêver à ce qui aurait pu être. J'ai bel et bien perdu. Ne sachant cependant pas vraiment si à aucun moment j'ai été en passe de gagner... J'ai rêvé, je reviens sur terre. Cette terre ferme qui remet les idées en place, qui t'arrime à la triste réalité, à tes soucis, à tes obligations, et que passe le temps...
 
j'ai eu droit à ma petite parenthèse, à mon sursis comme dirait Goldman, mais c'était pour mieux me faire éprouver ce que je rate et que je n'aurai jamais... À trop vouloir les choses, on les rate, c'est bien connu. Je dois passer à autre chose, oublier, ne pas me poser trop de questions, ne pas regarder en arrière... même si j'ai trop goût à rien, même si j'ai souvent envie de pleurer, même si j'ai l'impression que tout le monde avance sauf moi, tant pis (ça c'est Roch Voisine... mmm surtout arrêtez-moi si j'arrive à Matt Pokora, faudrait pas trop pousser – sauf que attention, Goldman, c'est pas pourri, Pokora, par contre, si, et même quand il chante du Goldman... (on s'éloigne) – mais j'vous l'ai dit que j'mettais tout en chansons, ma politesse du désespoir à moi, c'est la musique... )
 
Bon, j'suis en train de chercher des trucs pour avancer, pour donner du pep's à ma vie pourrie, au lieu d'être la pauv' fille qui voulut être amoureuse (version féminine à la Rudyard Kipling, avec des prétentions toutes à la mesure de la tempérance reconnue du sexe « faible » ) mais dont on se fiche éperdument. J'ai l'impression de jouer dans Ugly Betty ou Le Destin de Lisa, d'être une ado moche et fleur bleue quoi, sauf que j'ai 33 ans et que j'espère qu'il n'y a pas que mon âge qui fait la différence... Oh là là, j'vais pleurer...
 
Merde (j'le dis beaucoup, c'est vrai). Merde et re-merde ! (et alors ?)
 
Elle est où ma « pastille » ? Mais oui, celle que tu romps entre tes doigts dans les chaufferettes nouvelle génération et qui transforme le liquide en cristaux irradiant une douce chaleur. Si seulement, il suffisait de rompre une foutue pastille dans ma carcasse pour que cette douce chaleur réconfortante et fortifiante se répande dans mon corps et dans mon cœur ; au lieu de ça, sans ma pastille, il s'essouffle mon ptit cœur, il est restless et de moins en moins young sans le feu de l'amour (le principe là est de vous faire pleurer, si tant est que l'on puisse pleurer avec sincérité en pensant aux Feux de l'amour) Je suis comme une naufragée qui se débat dans l'eau pour pas couler et qui tente de s'accrocher aux branches qui lui passent irrémédiablement sous le nez... (et là, c'est triste, là quand même... !)
 
Mon boulot exténuant de type trompe-la-dépression ne suffit même pas à tromper ma dépression.
 
Et mon copain que je malmène dans tout ça (ah là, recours au proche innocent, là on pleure) on s'engueule dans les supermarchés, parce qu'on veut pas les mêmes produits, parce que les frais sur la note commune ne sont pas équitables, parce que c'est toujours la même qui décharge les courses, parce que... parce que... nos angoisses et nos mal-êtres se tirent la bourre tant qu'ils peuvent. Parce que l'un comme l'autre est malheureux, parce que l'un rend l'autre malheureux, parce que l'un voit l'autre malheureux... et dans ce drame, c'est l'humour qui surgit, au détour d'une allée...
 
« Pourquoi tu prends autant de packs d'eau ?
- Ben comme ça, on en a en réserve ?
- Mais oui, mais c'est moi qui décharge après...
- C'est pas vrai, je les sors du coffre...

(À cet instant le préposé au packs d'eau débarque avec son chariot élévateur)

- Mais oui, mais tu décharges jamais jusqu'au bout ! » 

Merci Seigneur de nous permettre dans ta grande clémence de prendre conscience du ridicule de certaines situations afin que nous puissions nous gausser un peu dans nos vies de souffrances et de frustrations.

Amen.


vendredi 5 avril 2013

Bénabar

C'matin, j'me lève avec un air en tête : « On s'en fout on n'y va pas, on n'a qu'à s'cacher sous les draps, on s'command'ra des pizzas toi, la télé et moi... » Merde. C'est pas l'symptôme d'une intense motivation, ça... La morsure de la rengaine commencerait-elle à faire effet et à m'instiller son venin ? Les paupières de plus en plus lourdes le matin, le réveil qui devient bourreau, auquel je tente d'extirper quelques de plus en plus longues minutes de grâce, un sol de salle de bain de plus en plus froid, des vêtements de plus en plus difficiles à assembler entre eux, une savonnette qui glisse, des tartines qui prennent feu, un bol qui s'renverse, une voiture qui démarre pas... Alors mon inconscient m'envoie un message plus clair : une chanson. Ça vous fait pas ça, vous ? En tout cas, moi, j'ai toujours eu tendance à fredonner des chansons raccord avec ce que je vis. Ça vient comme ça. Ma mémoire cherche sans que je m'en rende compte dans ma musicothèque mentale et je me mets à chanter la chanson qui convient, qui illustre parfaitement la situation du moment. C'est bien, mais des fois, c'est gênant. Genre, je suis dans la salle de bain, je viens de faire l'amour avec mon copain et je me mets à chanter : « Tout tout mais pas ça, tout tout mais pas ça... » Vous le prendriez bien, vous ?
 
Bref, ce matin c'était mutinerie générale dans certaines circonvolutions de mon cerveau et pas les plus coopérantes donc... Qu'une chose à faire en attendant le S.O.S. d'un terrien en détresse : bouter l'ennemi, pourfendre la procrastination et faire surgir le sentiment de dévotion et de juste cause ; enrayer le phénomène en frappant plus fort : « Eye of the tiger ! » à tue-tête dans la salle de bain jusqu'à ce que, tel un Rocky Balboa, surgisse enfin la bête de somme qui est en moi. « The show must go on ! Yeah hi yeaaah !... »
 
J'sais pourquoi je suis prise de ce symptôme Bénabar. J'le vois venir maintenant le phénomène qui creuse lentement le sillon dans lequel je finis par me perdre. J'en suis, moi aussi, de ces « … êtres sains d'esprit (enfin quoique mais bon passons) prêts à sacrifier leur jeunesse, leur corps, leurs amours, leurs amis, leur bonheur et beaucoup plus encore (dont je dirais leur travail) sur l'autel d'un fantasme appelé éternité. » (Hygiène de l'Assassin, Amélie Nothomb, p.57)
 
Recommencer sans arrêt, être au début plutôt qu'au milieu et à la fin... repousser l'angoisse de la finitude des choses, de la décrépitude... Recommencer sans arrêt pour n'avoir jamais à affronter la fin ; fantasme d'éternité...