Prologue ou Histoire de la fille qui ratait tout

Je ressens le besoin d'écrire mon histoire, de me raconter, comme si j'avais besoin des mots pour me sortir d'une impasse, d'un mal être, d'une incapacité à aller de l'avant. J'ai l'impression d'avoir fini un cycle, d'avoir bouclé une boucle, et d'en avoir saisi le mécanisme, de cette boucle, comme un système complexe et bien rodé dont on finit par percevoir le fonctionnement.

Et à trente ans – trente deux exactement – je crois que je peux le dire, j'en suis là, à ce moment de ma vie où je commence à comprendre mon fonctionnement. J'ai découvert qui j'étais : la fille qui rate tout.

mercredi 31 octobre 2012

Sexe - Fuis-moi je te suis ; suis-moi je te fuis

Imaginez des beaux gâteaux appétissants qui défilent devant vos yeux sans que vous n'arriviez à en attraper un pour le dévorer à pleines dents. C'est toute la complexité de ma vie sentimentale. Depuis que le mot « sexe » fait partie de mon vocabulaire, qu'il n'est plus tabou, mon corps s'autorise à montrer ses émotions, à se laisser séduire. C'est comme ça que j'ai pu enfin éveiller la curiosité des hommes qui me plaisaient. Avant j'étais transparente ou alors considérée comme un extra-terrestre. J'ai séduit, enfin ! Mon corps a fini par comprendre qu'il possédait un don, celui de pouvoir attirer la gent masculine. Mais dans mes tentatives maladroites, rien ne s'est jamais passé comme je le voulais. Mes peurs toujours aux aguets ont bien veillé à me pourrir la vie et à me faire fuir ce qui pouvait me libérer. Je vous ai fuis Matthieu, Antoine, Stéphane... Comme j'ai fui les mains qu'on me tendait, les réponses à mes signaux de détresse. Peur d'être rejetée ? De pas être à la hauteur ? Un peu de tout cela. Mais je me suis épuisée moralement et physiquement à espérer toujours et encore.

Car j'ai espéré, désespérément. Mon âme de petite fille, puis de jeune fille, de jeune femme et de femme a espéré avidement, romantiquement.

Je me souviens de ce jour où je rentrais de la fac de médecine, en traversant le parc, comme chaque jour. Je marchais nonchalamment, un peu pressée de retrouver mon chez-moi pour souffler, goûter, me distraire. À l'époque, j'étais tellement mal dans ma peau que je me nourrissais de complexes que j'entretenais à m'en faire pleurer très souvent. Mais en traversant le parc, ce soir-là, je revois ce petit morceau de papier avec cette phrase écrite à la main : « Vous êtes belle ». Je ne savais pas à qui était destinée cette phrase, ni même comment elle était arrivée, là, échue sur le gravier de l'allée du parc, mais, elle m'a ravigotée pendant quelques instants. C'était comme si elle m'était destinée, à moi et rien qu'à moi. Comme si quelqu'un m'avait observée et avait scrupuleusement placé ce petit mot sur mon passage. J'ai vécu sur un nuage de romantisme tout le long de ma traversée du parc et bien des jours après.

Voilà un exemple de la puissance de mon désespoir, à cette époque, qui pouvait facilement me faire prendre des vessies pour des lanternes.

Mon esprit me joue encore des tours à l'époque actuelle, comme s'il voulait que je ne renie pas ce côté romantique et éperdu d'amour que mes complexes m'ont fait cultiver. C'est avec Matthieu que cela s'est le plus exprimé l'année passée. Je pourrais écrire un roman à l'eau de rose d'anecdotes vécues, en omettant la part de hasard et de fantasmé. Un soir que nous travaillions ensemble, je remontais le couloir qui menait de l'infirmerie à la salle des éducateurs et je croise une résidente, Joséphine. Au même moment, Matthieu entre dans mon champ de vision, face à moi, et fait en regardant Joséphine : « Si tu as besoin de moi, tu m'appelles, hein ? » Évidemment qu'il s'adressait à Joséphine, mais dans ma tête, Joséphine, c'était moi, parce que, oui, là, c'était bien moi qui avait autant si ce n'est plus besoin de lui. La vie joue des tours comme ça, elle s'amuse à jouer avec nos états d'âme, nos besoins, nos fragilités. Dans la salle du personnel, encore une fois, comme ça, en réunion, nous parlions d'un jeune handicapé qui avait maille à partir avec sa douce, une résidente, avec qui il formait un « couple ». Il s'agissait d'une histoire d'amour où l'un avait tellement d'emprise sur l'autre qu'il le faisait souffrir. Je ne me souviens que de cette phrase de Matthieu, parlant de ces deux résidents, en s'adressant à moi (ou alors est-ce encore une construction de mon esprit) : « Ils ont des choses à vivre, ensemble ». Mon hypersensibilité sentimentale m'a immédiatement fait tirer partie à son avantage de cette situation. Je passais dans un continuum espace-temps où les rôles étaient inversés. Il ne s'agissait plus de ces deux résidents, mais de moi et de lui. Mon imagination prolixe s'accaparait tout de suite le version fleur bleue. Heureusement que je n'ai pas répondu de vive voix, mais franchement, j'étais à deux doigts.

Il fallut aussi un autre soir qu'il passât à côté de la table où j'étais assise avec quelques résidents qui dessinaient. Il commence à jeter un œil sur les dessins, depuis le bout de la table où il était jusqu'à l'autre extrémité de celle-ci où j'étais moi-même assise près d'une résidente. Il y va de son commentaire au fur et à mesure qu'il remonte la tablée : « Oh il est joli ton bonhomme, Sabrina ! Très jolies tes fleurs, Amandine ! Super, Vanessa, ta maison ! » Il m'a semblé qu'il n'avait pas commenté le dernier dessin, que j'avais sous les yeux, comme un étendard que j'aurais brandi sous son nez si l'on avait été dans un film de Tim Burton : un joli cœur tout rose.

J'étais prête à écrire des scénarios chez Harlequin.

Merci la vie. Tu te joues de nous, tu t'amuses à créer des situations ambiguës. Mais tu devrais savoir que pour un petit cœur comme le mien, ça peut faire plus de dégâts que de bien et que c'est encore pire lorsque l'on est déprimé car dans ces moments-là, tellement accaparé par soi que l'on est, on a tendance à tout ramener à soi. Si je parle enfin de cette dernière situation, c'est pour montrer à quel point la vie a voulu me faire craquer, oui, c'est ça, elle a voulu me faire craquer, lorsque j'ai accompagné des résidents au cinéma avec Matthieu : le film choisi, c'était les Émotifs anonymes avec Isabelle Carré et Benoît Poelvorde. L'histoire d'une jeune fille extrêmement émotive, malmenée par ses accès émotifs. À la sortie du film, pendant lequel bien sûr, je n'ai manqué de faire le rapprochement entre les problèmes émotionnels de l'héroïne et les miens, il fallut que Matthieu fume sa clope et me dise qu'il trouvait Isabelle Carré vraiment très jolie. Je suis sûre que j'ai rougi, quand bien même il ne parlait absolument pas de moi.

Mon avidité sentimentale, elle, me faisait et me fait encore saisir chaque opportunité pour tourner le film de ses fantasmes, c'est dingue.

Alors, j'ai compris. Oui, c'est là que j'ai compris que j'avais la sensibilité affective d'une gamine de quinze ans. Prends ça dans la tronche, déjà. Assimile. Une petite fille qui découvre les sentiments et les sensations amoureux.

Évidemment, cette faiblesse, si elle n'est pas vite transformée en force te fracasse contre le mur du réel. Je n'irai pas jusqu'à dire que ma vie sexuelle est à l'origine de mon échec professionnel, enfin de mon incapacité à me projeter dans une vie professionnelle, mais je serais tentée, tout du moins, elle y a participé. La fille qui ratait tout, sponsorisée par les préservatifs Manix. Il faudra y penser...

Suis-je maintenant dans la catégorie, « recueille le fruit de ses multiples ratages affectifs » ? Vit sur ses « regrets » et habitée par l'échec et le désespoir de n'avoir un jour une vie sexuelle épanouie ? Peut-être

J'ai donc beaucoup quitté, pas seulement les situations, les gens aussi. Je les ai fuis, pour ne pas leur faire subir mes ratés émotifs. Et j'ai fui pour me protéger. Les gens que j'aimais...

Allez, la page est tournée. Je dois la tourner la page (message récurrent envoyé à ma caboche). Et à l'instant je la tourne : j'entends le crissement du grain de son papier, l'air qui s'engouffre sous sa courbe aérienne qui va bientôt s'inverser pour coller à sa voisine de droite. Je vais tenter de t'oublier, Matthieu, tu m'as offert mon conte de fée, mais l'illusion doit laisser la place au réel, maintenant. De toute façon, je n'étais qu'un nuage transparent au milieux des tornades qui gravitaient autour de toi. Passera le temps, les sentiments, et les tourments.

Je lis Céline et ça résonne en moi. « Je n'en finissais pas de quitter tout le monde » ; « C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir ».

C'est peut-être ça que je cherche moi, en quittant les gens, le chagrin qui rend à soi-même. Pourquoi on se sent vivre dans le chagrin ? On sent la déchirure, le poids du passé, les souvenirs, les émotions vécues. On sent aussi l'inachevé, le remord, le manque, le vide.

J'en peux plus. Je voudrais arracher de ma tête ce truc qui me bloque, trouver ce qui me ferait avancer. Je me suis construite sur des échecs et ceux-ci me pourrissent le crâne. Je voudrais revenir en arrière, comprendre et résister aux assauts de mes peurs, les affronter, trouver du soutien, ne pas lâcher, saisir la main tendue, et ne pas m'en décoller. C'est pas que je n'ai pas eu de mains tendues, mais… J'ai envie de pleurer là, en repensant à mon travail de sape. Je me suis programmée pour rejeter toute aide. Je voudrais leur dire à toutes ces mains tendues que je n'ai pas saisies que je suis désolée, que je n'ai pas réussi, que j'aurais tant voulu, que je ne sais pas ce qui va pas chez moi, que j'ai tant besoin d'aide. J'ai tant besoin d'être sauvée… sauvée de moi-même, pour être apaisée, soulagée, entourée.

J'ai besoin d'aide, terriblement besoin d'aide, et plus de ces regards navrés, impuissants à m'aider et qui finissent par être le signal d'un abandon. Je veux plus qu'on m'abandonne. Je veux qu'on me retienne, qu'on compte sur moi, qu'on essaie de m'aider, vraiment, au lieu de prendre cet air navré au moment où je pars. J'ai tellement pleuré d'être ainsi abandonnée. J'ai l'impression d'appartenir à cette catégorie des gens à la dépression inéluctable, ceux dont on se dit : « c'est comme ça… » « pourtant, on a essayé ». Mais non ! Bon sang ! Pourtant, on n'a pas essayé ! On a juste essayé de me faire rentrer dans un moule, mais jamais de me comprendre !! J'avais besoin de vie, moi, pas juste de règles et de principes et de cadre… de vie, d'amour. J'étais intelligente, j'avais des bonnes notes, alors c'était le principal ! Et pourtant, moi je sais que j'avais besoin d'autre chose. Et c'est cet autre chose qui me hante maintenant et me retient, joue avec moi, me nargue : « Ah ah tu vois, t'avais besoin de moi, t'as pas voulu me voir, eh ben t'as raté ta vie ! Hihi ! » On vit pas sur des regrets ? On n'avance pas, avec des regrets. Point. Mais les regrets, comment ça se quitte ? On prend un comprimé et voilà, plus de regrets ? Je suis avec l'ami Xanax, et pourtant, ils sont toujours là.

Je suis pas ce que j'ai l'air ; j'ai l'air de ce que je ne suis pas : un zombi en sursis, un zombi, être sans vie, vidé de sa substance. J'en peux plus…

Je veux renaître, ça j'en suis sûre : je le veux ! Je le veux de toutes mes forces, de toute mon âme, de toutes mes cellules ! Je veux repartir sur la route des désirs, des envies, des sourires, des émotions, des amitiés, des rencontres, des souvenirs heureux. Je veux pas accumuler les souvenirs malheureux. Ma besace est déjà pleine. Laissez-moi le temps pour ceux-là, donnez-moi du répit. Autorisez-moi une dispense au registre des disparitions, tristesses et remords. Je vous promets que je saurai utiliser cette dispense à bien pour accueillir plus forte ces souvenirs-là. Parce que là, ils m'écrasent, ils me poussent avec eux, vers le bas, ils me tentent, ils m'attirent. J'veux du bonheur pour compenser. J'veux plus d'échecs et de remords. J'peux plus.

Bon mais je vous désespère là. Je m'apitoie sur mon sort, je vous sors le larmoyant, et vous n'êtes pas dupes. D'ailleurs ça ne prend pas avec vous. On vous la fait pas le coup de « j'aimerais bien mais j'peux point. » C'est de la couardise, de la cinquième vitesse avec le pied sur le frein qui vous épuise comme ça m'a épuisée et a épuisé mes prétendants (si vous avez bien suivi). Et je ne compte pas écrire la suite des Misérables. Alors maintenant, ce sera sexe. Et libre cours à mes fantasmes !

lundi 29 octobre 2012

Sexe - Libre cours à mes fantasmes

N'y allons pas par quatre chemins... Revisitons nos fantasmes.

En tête de liste, il y a le prof, non ? C'est le maître, celui qui vous enseigne et vous initie Il est protecteur, attentif comme un parent, mais pas incestueux, alors on peut y penser.

Le prof de VAE (je vous passe les détails de l'intitulé de la discipline, carrément soporifique) : jeune, presque même âge, voix chaude, regard ténébreux, bien monté, euh habillé : costume cravate, chaussure la classe, petite mallette à jeux érotiques, euh à documents. Bon vous l'avez ?

Il parle, mais vous n'écoutez pas, ou alors dans un effort surhumain pour contrer vos divagations érotiques. Il vous faut trouver absolument un quelconque intérêt à ce qu'il dit, autrement vous risquez de répondre allusivement et de façon très compromettante à la question qu'il aura posée en soutenant votre regard qui, parce qu'il divague un peu au niveau de sa ceinture aura attiré son attention sur vous.

Alors qu'en pensée, vous êtes déjà à cheval sur ses jambes sur une chaise qui ne résiste pas à votre étreinte, celui-ci continue, imperturbable, ne se demandant même pas pourquoi la température monte de plus en plus dans la salle et pourquoi l'inattention est à son comble. Heureusement qu'il y a toujours un ou deux fayots, experts dans l'art de maîtriser leurs émotions et en dehors de toute réalité sexuelle, pour rattraper le coup et tenir le crachoir au prof pendant que vous vous remettez tranquillement de la catastrophe émotive qui vous a frôlée.

Mais comme c'est un fantasme, le prof en question vient vous voir à la fin du cours pour savoir ce qu'il vous arrive, tout en ayant parfaitement compris ce qu'il vous arrive. Il ferme la porte de la salle de classe lorsque tout le monde est parti, s'avance vers vous et vous fait : « S'il y a un problème, il faut le dire J'ai bien l'impression qu'il y a un problème, moi, et on va le régler tout de suite. » 

Voilà. Du classique, mais c'est toujours excitant.

Le prof de sport, encore mieux. Pas plus tard que la semaine dernière. Un tout jeune prof, enfin mon âge à peu près (ben si c'est jeune) qui se dandine d'une façon tellement suggestive que des fois, c'est dur de garder son calme. Il anime la séance de stretching, mouvements lents, respirations profondes Il fait descendre sa main sur son torse pour nous montrer le geste de la respiration. Bien « gaulé », comme tout prof de sport qui se respecte. Je me demande s'il a bien conscience de son geste et de ce qu'il fait Pas plus de ses gestes que de ses sorties d'ailleurs alors qu'on sue, nous, en appui sur les mains et les pieds, dans la position du supplicié, il nous fait : « Contractez le périnée, écartez les jambes… » Mais c'est pas que le périnée qu'est contracté depuis le début de la séance, depuis qu'il a fait descendre sa main langoureusement sur son torse. «  N'oubliez pas de respirer… » Comment veut-il que je respire ? Mon cœur est à son palpitant le plus fort et je crois bien qu'il va lâcher ! « Si vous n'avez pas mal, c'est que vous ne contractez pas assez et dans ce cas, je viens me mettre sur votre dos. » Ah ! Ah ! Il croit vraiment que ça me fait peur ? Mais oui ! Viens ! Je n'attends que ça ! Soudain je comprends pourquoi les ptites jeunettes se mettent au premier rang, dans leurs tenues de sport courtes et moulantes

Le plombier ? Le facteur ? Les gigolos ? Ben non, c'est pas forcément super excitants, ça, c'est du resucé (si je puis me permettre), des fantasmes éculés (passez-moi l'expression) qui n'ont plus que du vulgaire en lieu et place de l'excitant. Si on les imagine en général bien lotis, on imagine rarement leur conversation, peut-être aussi à cause des films pour adultes qui n'aident pas à les imaginer verbeux. De plus, à moins d'être tombé sur le bon - celui qui s’entraîne, qui se muscle le pénis en regardant Rocco - la déception risque d'être au bout du couloir. Car le modèle génétiquement modifié des films pour adultes n'en reste pas moins de la science-fiction.

Alors quoi ? Qu'est-ce qui attise le désir ? LES MOTS.

Les mots qui font jaillir l'émotion, l'excitation. Et pour ceux, comme moi, qui croient au pouvoir des mots, ce ne sont pas les « gars de la vie sociale » qui véhiculent le plus nos fantasmes, mais les poètes, les incompris, les sauvages, les furtifs Les baroudeurs, bourlingueurs, aventuriers, beaux-parleurs C'est cliché ? Oui mais voilà. Il faut des mots, il faut LES mots, ceux qui désirent, qui enrobent, qui entourloupent, qui font croire, qui pénètrent. Je ne dis pas que les facteurs et les plombiers ne peuvent posséder les mots, je parle du cliché, de la représentation et le plombier qui a les mots part avec de sérieux avantages.

Trouver les mots, assoiffer l'autre de ses mots, faire monter le désir avec des mots susurrés dans le cou, à l'oreille


Sexe - Se refaire le film avec une fin différente...

Passer à côté, ne plus pouvoir revenir en arrière, s'en vouloir, regretter, en se disant que si on avait su, on l'aurait fait, avec le recul Se poser trop de questions sans arrêt Cosette.

Se refaire le film avec une fin différente, qui convient mieux, voilà, c'est toujours possible.
 
Sexe, sexe, sexe... Tu continues à me turlupiner, à faire de moi ton esclave, tu me libères et m'emprisonnes dans le « hors normes », « hors cadre », ou pas dans le cadre à temps... En décalage, en recherche constante de la sensation, LA sensation, celle qui rassure, qui te fait sentir désirable, qui opère au rapprochement des désirs, au rapprochement des corps... Je ne regardais pas et maintenant, je ne fais que regarder, espérer être remarquée, séduire...

J'ai envie de séduire la Terre entière. Voilà. C'est dit.

Je ne culpabilise plus. Je laisse libre cours à mes fantasmes... Un homme, deux hommes, trois hommes ?... Un inconnu, un connu... Il n'y a plus de qu'en dira-t-on, il n'y a que la sensation, l'enivrement, le palpitant, l'émotion. Le corps qui se fait lascif, qui attire à lui, qui capte l'autre séduit, qui se laisse aller, qui ne cache pas son trouble.

Deux corps qui s'attirent sans restriction, qui se donnent, sans penser au lendemain...
 
"... si vous voulez me payer en nature... " J'aurais simplement souri, laissant passer l'idée comme un fantasme inassouvi. Et nous irions dîner. Oui. Et il me parlerait comme à une jeune fille à déniaiser, sur son ton rassurant, il prendrait soin de moi et m'emmènerait dans sa garçonnière ou peut-être chez lui, pendant que sa femme serait en voyage avec les enfants, Je lui poserais des questions sur lui, et en maître, il me raconterait sa vie, ses expériences Il me servirait un fond de gin et me ferait des tas de compliments avec son assurance d'homme averti. Je deviendrais petite fille et me blottirait dans ses bras ; il me caresserait et envisagerait les courbes de mon corps juvénile avec un œil sagace et désireux. Je me laisserais décrire par ses doigts, éveillant mes sens et ma sensualité de petite fille. Je deviendrais sa chose, sa poupée, l'objet de ses fantasmes, et j'en jouerais, me faisant mutine et coquine.
 
Ç'aurait été mon initiation, une initiation parmi d'autres. J'aurais eu la chance d'être initiée par un homme d'âge mûr, plein de confiance et de réassurance. Cosette


Sexe - A l'origine de tout

Sexe, sexe, sexe. Voilà. Je l'ai dit, c'est écrit, ce mot n'est pas TABOU ! Il le fut trop et si longtemps de me torturer de l'être... volée une adolescence qui cahotait sans vraiment savoir que sexe, sexe, sexe m'aurait aidé. Ce mot n'est plus tabou, mais il m'accapare maintenant, il veut récupérer ce qu'on lui a volé. C'est bon, oh oui, c'est bon ; c'est tard, oui c'est tard, mais tant pis ; c'est pas facile, oh non, pas facile...

L'accès à mes émotions s'ouvre, depuis que le mot « sexe » fait partie de mon vocabulaire, et c'est une sensation étonnamment irrésistible, étonnamment parce que c'est moi qui suis étonnée que cela fasse autant de bien. Et son absence autant de mal. Il s'en est passé du cocasse pour que j'arrive à ouvrir grand la porte (de mes émotions, pas d'allégorie douteuse). Ce fut laborieux, douloureux, épuisant, souvent frustrant, attristant même parfois.

Découvrir son corps, seule, faire jaillir les idées, les fantasmes, les excitations qui mènent au plaisir, sans culpabiliser ; sans culpabilité, oui, c'est cela qui libère le plus : chasser la culpabilité. Celle-ci fut chassée et bien chassée, comme on chasse son bourreau au moment d'apprendre qu'on est gracié. On lui met les fer, on le jette au cachot et on lui fait des grands pieds de nez.

C'est une révolution intérieure qui s'effectue alors sur trois temps : disparition de la culpabilité, prise de confiance en soi et découverte de son pouvoir de séduction.

Ma vie sexuelle à retardements ne fut pas une sinécure : une profusion de sensations trop longtemps mises à distance dans un corps brimé qui explose de désir.
Un petit diable au corps qui s'agite alors, s'emparant de mon cerveau, de mes émotions, et s'use à me pousser à la séduction intempestive. J'étais à fleur d'émotions. Une belle enveloppe corporelle à proximité, un regard, et hop, besoin de liquide de refroidissement d'urgence. Ça « craignait », mais prisonnière de ma culpabilité aussi longtemps que je fus, l'accès à mes émotions et le bien-être ressenti lorsque le moteur s'emballait, m'empêchait de ressentir de la gêne ou de me juger. Je faisais même tout pour qu'advienne cette douce sensation d'enivrement des sens. Un combat avec mon inconscient s'engageait parfois qui, lorsque ce dernier gagnait, me rendait morose et figée.
 
Je me souviens de la première fois où j'ai attiré le regard masculin de façon claire et sans confusion possible. J'étais chez moi et un technicien devait venir relever le taux de plomb dans les canalisations ou d'amiante dans les peintures, je ne me souviens plus trop... La cinquantaine, l'air avenant, cheveux brun-sel, un peu frisés, costume cravate, affable, rassurant. Je lui demande innocemment si je lui dois quelque chose et il me répond, toujours avec cet air avenant : « Oh, non, sauf si vous voulez me payer en nature. » Je suis un peu soufflée par sa repartie, toute timide et prude que je suis, je souris et décide de prendre cela à la blague, mais il insiste : « Non, c'est vrai, si vous voulez, vous me payez en nature quand vous voulez ». Je lui fais part naïvement de mon étonnement vu l'alliance qu'il porte à son doigt. Il n'a pas l'air de prendre en compte ma remarque - il sent bien que je suis jeune et encore vierge sans doute - et il reprend le cours de son travail en faisant comme s'il n'avait rien dit. Je me plie à ce revirement qui me rassure en quelques sortes. Il m'avait un peu trop troublée. Toute émoustillée que je suis, j'aurai des ailes pendant quelques heures...

Le lendemain, il me rappelle au travail. Il veut m'inviter à dîner et il insiste. Je suis tellement gênée que je décline en prétextant avoir un petit ami et que je ne peux pas lui faire ça. On se croirait dans Dawson, j'en rougis de puérilité et de lâcheté en y repensant. Avec le recul, je me dis que j'aurais dû en profiter. L'expérience d'un homme d'âge mûr m'aurait sans doute beaucoup apporté à ce moment où mon mal-être culminait et où j'étais déjà prête à quitter mon poste.

J'ai rêvé encore avec Antoine et Stéphane. Tous les deux même modèle : celui qui fait monter le mercure. A fleur de peau, Antoine et Stéphane me laissaient toute chose, comme sur un nuage, dès qu'ils approchaient de moi à moins de trente centimètres. Dès qu'ils franchissaient ce périmètre de sécurité affective, mes sens s'aiguisaient et mon corps se réchauffait furieusement. En zoologie, on aurait dit que je me préparais à l'acte. Je crois que si j'avais été plus entreprenante, j'aurais eu le droit de goûter aux joies de l'amour déchaîné et bestial avec ces deux animaux-là. Collée contre un mur, dans toutes les positions, dans toutes les pièces, de toutes les façons, avec renouvellement de l'abonnement automatique, j'étais prête mentalement. Enfin presque

C'était pourtant simple, je n'avais personne dans ma vie, juste un ardent désir à déterrer de son ornière
 
Mon initiation n'a en rien ressemblé à cela. Pas trop s'étendre il ne faut En quelques mots : doutes, désenchantement, panne, douleurs C'était plus American Pie.

C'est toute la différence entre un « il aurait pu y avoir » et « il y a eu ». Entre la vie et le rêve.

C'est comme ça que j'ai dû séduire Mat. Matthieu. Je me souviens du jour où j'ai débarqué dans la boîte. Je l'ai aperçu, j'ai senti que mes sens étaient bouleversés, on s'est présentés, et j'ai senti qu'il pourrait se passer quelque chose. Je pense que lui aussi et ç'aurait peut-être été simple et rapide si je n'avais pas eu à mener ce combat constant avec moi-même. Si j'avais été quelqu'un d'autre, avec un autre vécu, sans les casseroles accrochées à la carrosserie (il faudra que je réfléchisse à ma persistance à me comparer à une voiture, je suis sûre qu'un bon psy lèverait un lièvre avec ça).

Bref. Mais voilà que ces casseroles, ce combat avec moi-même a vite eu raison de moi. J'étais trop à fleur d'émotions, avide d'amour (charnelle), de plaire... que j'étais sans arrêt sur le front avec ma petite chasse-peurs, manque de confiance, repli sur moi, et à force, j'ai épuisé mon « sauveur » qui s'est lassé de m'envoyer des signaux sans retour... Moi je me refusais à ce qui me faisait autant de bien. Lorsque j'étais assise à ses côtés, je rayonnais. Lorsqu'il s'approchait de moi, je rayonnais. Je me sentais d'un coup détendue, bien dans ma peau. Mais je ne maîtrisais pas assez cela et mon inaptitude à conserver cet état, les peurs, et désemparée que j'étais face à ces nouveaux états d'âme, ajouté à la peur du regard de l'autre, etc. ont fait s'écrouler mes espoirs et la perspective d'être enfin libérée de mes démons. Quand j'y repense, je ne donnais pas beaucoup le change et j'attendais quoi ? Qu'il me saute dessus en me disant qu'on était faits l'un pour l'autre ? Qu'il m'embrasse fougueusement et m'enlève tous mes habits... ? Oui. C'est ça que j'attendais.
 
Et dire que ce n'est pas avec toi, Matthieu, que je suis sortie cette année, non c'est avec Cali, le cuisinier. Cali-ente, cali-ente, et moi j'avais besoin de caliente C'était pas de l'amour, c'était du caliente. Belle gueule de métisse, sportif, chaud-bouillant... Il m'a prise dans ses filets. Il est retourné en Guadeloupe, j'ai quitté la boîte. Match nul, balle au centre.  

Je suis devenue putain, de prude à putain, sans transition. Une explosion des sens a ravagé mon cerveau, un raz-de-marée de désir contenu a noyé mes inhibitions.

Je suis Casanovette, et veut posséder chaque objet de mes désirs, qu'ils succombent, et qu'ils me comblent.
Pas facile Casanovette avec la confiance de Cosette. La confiance pas bien établie qui vacille, qui me fait faux bond au moment crucial. Le moment crucial, c'est celui où tu envoies les signaux et où tu t'apprêtes à transformer l'essai, c'est-à-dire à recevoir la réponse à tes signaux, et à les accepter, sans repli, sans fuite en avant, ce qu'a l'habitude de faire Cosette. Rien de plus frustrant pour un homme que de répondre à des avances pour ensuite être débouté.


 
 

dimanche 28 octobre 2012

Dépression - La chose du sexe

Je suis persuadée que cela a rapport avec ma mère. En même temps, il n'est pas difficile de faire ce diagnostic puisque l'origine des névroses humaines est souvent un mal à la mère ou un mal au père. Eh bien moi c'est à la mère. Enfin je crois. C'est ce que je ressens. J'ai aussi pas mal parlé avec des psychologues qui m'ont (plus ou moins) aidée (d'ailleurs) - en tout cas à alléger mon portefeuille à défaut de mes états d'âme. Je suis née prématurée et ma maman, d'après ce qu'elle m'a dit, a eu peur pour moi. Jusque là, rien d'anormal. Seulement, je crois que cette peur qu'elle avait pour moi, c'est aussi la peur que sa mère avait pour elle. Elle me disait souvent que ma grand-mère avait toujours peur qu'il lui arrive quelque chose et donc qu'elle ne l'autorisait pas à faire différentes activités, jugées trop dangereuses. Ma maman était une enfant fragile, très maigre. Peut-être est-ce la conséquence de cette surprotection ? Enfin voilà. Je pense qu'elle s'est un peu projetée en moi. Peut-être étais-je censée réparer ses blessures en devenant bonne élève ? En étant plus sportive qu'elle ? Ai-je eu peur de ne pas être à la hauteur ? Ai-je ressenti malgré moi, par-delà les limites de la conscience, ses peurs qu'elle essayait pourtant de ne pas me transmettre ? Je crois que je suis trop entrée en résonance avec les émotions de ma maman pour pouvoir vraiment me détacher d'elle. De surcroît, "malheureusement" j'ai envie de dire même si je ne le pense pas complètement, ma maman a été élevée dans la religion. Et j'ai bien l'impression que la religion, telle que nous la pratiquons, dans le catholicisme, est plus un facteur d'inhibitions et de renfermement sur soi que d'ouverture et d'épanouissement. En tout cas, en ce qui concerne la « chose du sexe » - je fais exprès de l'appeler comme cela pour bien montrer la distance qu'il sied à mettre avec le mot, dans un milieu qui tend à prouver que l'on peut vivre en s'en passant, puisque les religieux consacrés l'ont comme principe de vie. La spiritualité remplacerait les besoins sexuels. Sauf qu'à trop le dire et le penser, on a vraiment l'impression que le sexe, c'est le péché ! Et j'ai bien senti ce tabou imprégner l'inconscient familial. Car même si ma maman se défendrait de jamais n'avoir considéré le sexe tabou, en prétextant que le rejet du sujet venait de nous, il faut pas être psychologue pour savoir que ce ne sont pas les enfants qui souhaitent aborder le sujet en général. Du coup chez nous, on n'en parlait pas. Même en plaisantant, on n'évoquait pas la possibilité d'un ou d'une petite amie. Peut-être que nous aurions repoussé toute démarche faite de la part de nos parents dans ce sens-là, mais même cela, c'est dommage En tout cas, je pense que j'avais besoin d'en parler. J'aurais eu besoin que la porte de mes émotions s'ouvre et que je n'aie pas peur de les accueillir. Au lieu de cela, j'ai nourri une grande angoisse à cet endroit. Mais je soupçonne ma maman d'avoir aussi eu droit à son lot d'angoisses concernant la question sexuelle. Difficile de creuser sur ce terrain-là, mais j'ai l'impression que cette fuite dans la religion cachait un malaise ou une douleur à l'endroit du sexe.

Inutile de vous dire que j'ai du mal avec la religion. J'y crois, mais j'ai toujours l'impression d'être aspirée par la dévotion, le sentiment de sacrifice, de recherche de sainteté, d'irréprochabilité. Et je ne suis pas sûre qu'il faille absolument en passer par là. On peut peut-être vivre plus « normalement », plus légèrement que de sans arrêt demander pardon pour nos péchés. Et puis, à trop mettre les choses à distance, on les désire encore plus ardemment.

J'ai du mal à parler de ma maman, parce qu'il y a de la douleur, de l'incompréhension entre nous, ajoutés aux souvenirs de confrontations. Je lui en ai fait baver, avant de comprendre qu'il fallait que je m'éloigne pour que l'on puisse s'apprécier. J'ai voulu lui expliquer d'où venaient ses problèmes. Ma maman s'est toujours caractérisée par sa fragilité, ses soucis de santé, et ses peurs bien sûr, une inquiétude pas vraiment justifiée quasi constante. J'ai joué au psychologue de comptoir quand j'étais au plus mal (et pourtant je crois que je percevais assez bien le problème). Que de crises de larmes entre nous.

Voilà encore l'une des origines de ma difficulté à laisser s'exprimer mes émotions.
 
Mon problème vient du sexe. Aïe. J'aurais préféré autre chose. Sauf que si on gratte un peu le mot « sexe », on se rend compte qu'il porte en lui quasiment toutes les origines des maux dont souffrent les humains : pourquoi on vit si ce n'est pour se reproduire puisqu'on ne sait même pas quel est le but ultime de la vie ? Se reproduire est une chose que l'homme est obligé de faire pour pouvoir assouvir chacun des buts qu'il s'impose. Alors voilà, tout tourne forcément, à un moment donné, autour du sexe. CQFD. Alors quand ça casse à ce niveau-là, ben on est complètement bancal. Et voilà où j'en suis. Bancale, pas bien sur mes appuis. Les cherchant.
 
On ne peut pas vraiment savoir si, à l'époque où les choses auraient dû être différentes, il aurait été possible qu'elles le soient, car à cette époque, je n'avais pas la même force, le même recul sur la vie, sur ma vie, le même vécu. Mais il me semble que ça aurait pu être différent. Sans savoir si j'aurais eu la force de changer les choses, je sais que, au niveau du possible, ça aurait pu être différent. Si j'avais eu un petit ami. Pour cela, j'aurais dû être moins exigeante que je ne l'étais. Eh oui, je prenais les hommes de ma famille en modèle, de beaux hommes, et le niveau de mes exigences devait être - même si inconsciemment - élevé. Pourtant, il y avait des amis qui s'intéressaient à moi, mais j'aspirais à mieux ? Ou bien, et c'est peut-être plutôt cette option la bonne, j'étais trop timide, bourrée de complexes et ils n'étaient pas assez entreprenants.

Ma timidité, mon ignorance et ma peur de la question sexuelle, qui étaient pourtant la clé de mon salut, mon mieux-être, m'ont fait fuir tout rapport avec l'autre sexe jusqu'à très tard. Complexée, trop en demande d'affection, d'émotions, je faisais fuir les garçons. J'avais peur de la sexualité, elle m'angoissait à un point tel que je ne pouvais pas supporter d'y être confrontée. Si j'avais su ce que je devrais faire pour apprivoiser ma plus grande angoisse… Mon initiation sexuelle s'est faite grâce aux tchats et aux sites de rencontre.

Si j'avais pu montrer à Nazim que je ramenais chez lui qu'il me plaisait et comprendre que s'il m'avait demandé de le ramener chez lui, c'était peut-être pour que l'on soit seuls tous les deux Si je m'étais laissée aller à mes émotions au lieu de les combattre constamment peut-être que j'aurais pu trouver du réconfort, de la réassurance dans les bras d'un garçon à un moment où j'en avais tellement besoin pour affronter les angoisses et la compétition de la première année de médecine. J'ai l'impression que, au lieu de me faire perdre du temps, précieux comme chacun sait cette année-là tant le programme à ingurgiter est lourd, cela m'en aurait fait gagner, j'aurais été plus sereine, j'aurais eu plus d'énergie.
 
Si je suis devenue une loque, c'est de ne pas avoir éprouvé l'amour à tant. J'ai sombré petit à petit dans l'inertie, la stagnation, la dépression. Et je m'y suis creusé une caverne, une ptite caverne où je peux ressentir la sérénité, l'apaisement de n'avoir pas à être dans le monde où l'on se séduit, où l'on s'apprivoise, car je n'arrive pas à me laisser apprivoiser.

Dépression - Si c'était à refaire

Si c'était à refaire, je referais, dans le sens re-faire, recommencer différemment. Je commencerais par être plus à l'écoute de mes émotions. Je délaisserais mes cahiers, mes apprentissages, le bourrage de crâne et la standardisation, et j'écrirais plus, je vivrais plus, j'aimerais. Je suis passée à côté de tout ça. Je croyais que pour être aimée et valable, il fallait que j'ai des bonnes notes, que je sois la meilleure ou parmi les meilleures. Je me suis trompée. Et je me suis enfoncée dans un océan de névroses, d'angoisses, de dépersonnalisation. J'ai pas osé être moi par peur, par conformation à l'avis des autres, par le besoin maladif d'être comme tout le monde, fondue dans la masse, j'ai inhibé mes émotions, je les ai étouffées, rentrées, torturées jusqu'à ce que cela devienne un automatisme. L'automatisme du déni de soi, par peur de décevoir, d'être rejetée. J'étais devenue un zombi. Mes plus grandes inquiétudes étaient de ne pas savoir mes leçons, sans voir que ma plus grande aurait dû être celle de me déposséder. J'ai développé des troubles obsessionnels, comme des choses à répéter cinquante mille fois pour être sûre de les savoir, des gestes de réassurances en pagaille, des tocs. Petit à petit un mal de vivre. Je me souviens qu'à l'âge de 9 ans, je rentrais du CE2 avec des questions existentielles plein la tête, et parmi elles, la certitude de ne pas être heureuse plus tard si je continuais dans cette voie. Chaque soir, travailler, je comptais les années d'études, relativement au brillant parcours que l'on m'avait imaginé, vu mes bonnes notes et mon sérieux. Et je voyais l'avenir sombrement. À 9 ans ! Parce qu'au fond de moi, je ne voulais pas vivre cette vie-là. Mais je ne voulais pas non plus décevoir mes parents. J'étais déjà dans le dilemme le plus grand de l'existence humaine.

Alors voilà. J'y suis arrivée au stade où je me rends compte que j'avais raison, que la petite fille que j'étais avait déjà vu ce qui allait se passer.

J'aurais dû écrire à cette époque. J'aurais peut-être réussi à endiguer ce côté dépressif dans quelque chose de créatif.

J'ai donc compris de ces années, dans ma prison intérieure de la réussite au prix de ma santé, qu'il fallait à tout prix accepter de se laisser déstabiliser par ses émotions : accepter de rougir, d'être gênée, de ne pas tout maîtriser et se foutre à tout prix des paroles vexantes, venant des amis ou de la famille, qui sont souvent des tentatives d'intimidation, soit pour comprendre quelque chose qu'ils ne comprennent pas ou pour faire correspondre quelqu'un ou une situation à l'idée qu'ils s'en font. Ne pas se juger.

Actuellement, j'hérite de tout ce que j'ai lentement mis en place tout au long de ces années de l'évolution de l'enfant à l'adolescente puis à la jeune adulte que j'étais.
 
J'ai un intense besoin d'émotions et une peur panique de ces émotions. J'ai vécu dans l'échec, puis dans l'immobilisme et dans la peur de les accumuler encore. J'avais peur de ne pas être à la hauteur de ce qu'on attendait de moi, aujourd'hui, on n'attend plus grand-chose de moi.

Dépression - A trop m'chercher, je m'suis perdue.

Pourquoi j'ai plus de forces ? Pourquoi je me sens mal ? Pourquoi je déprime et pourquoi je suis autant révoltée à l'intérieur de moi ? Pourquoi je me suis sentie mal aimée ? Pourquoi j'ai été si complexée ? Pourquoi ? Pourquoi ? Tous ces « pourquoi » se bousculent dans ma tête, en vagues successives qui s'éloignent et repartent comme le ressac de la mer. Un coup ils m'éclaboussent de leurs points d'interrogations, un coup, ils m'offrent un peu de répit, mais de trop courte durée, revoilà le flux des « pourquoi » et puis ce bruit en sourdine même lorsque la déferlante est passée…
 
Dans une époque en plus où les gens passent leur temps à se chercher. Comme si c'était plus inné. On se cherche. On cherche qui on est, qui les autres veulent qu'on soit, qui on sera. On cherche et on se rate, on se croit comme ci et en fait, on est comme ça. Et comme on se trouve pas, ben on trouve encore moins les autres, qui n'arrivent du coup pas à savoir qui on est. On se cherche même parfois tellement trop, qu'on se trouve là où on n'aurait jamais dû se trouver. On est dans une époque où les gens se ratent le plus. Les psys sont friands de cette époque. Les gens sont perdus à tous points de vue, et sont persuadés que pour aller mieux, il faut se trouver. Alors on confie le soin de le faire à une autre personne que soi. Paradoxe ? Ça prend du temps, ça coûte cher et on passe parfois une vie à se chercher sans se trouver. D'ailleurs qui peut dire : "Moi, je sais exactement qui je suis, je me suis trouvé." Pas grand monde, je pense. On finit toujours pas découvrir des choses sur soi et donc d'en conclure qu'on se connaissait pas si bien que ça. La seule chose que je sais c'est que je ne sais rien.

Bref. On a quand même le droit de vivre même si on s'est pas trouvé. D'ailleurs la plupart des gens vivent bien sans s'être trouvés. On aurait de toute façon besoin de plus d'une vie pour se trouver réellement.

C'est l'insatisfaction qui fait que les gens se cherchent sans arrêt, la sensation que ça pourrait être mieux, que la perfection n'est pas atteinte. Alors, on lâche tout, et on recommence autrement. Et au bout du compte, on n'avance pas.

Lâcher prise avec cette idée de perfection et d'insatisfaction. On est bien là où on est. Mais la société nous fait sans arrêt miroiter des nouvelles choses, des nouveaux modes de vie... Alors on s'y engouffre et on s'y perd, s'inventant à chaque fois autrement... Et en oubliant totalement ce qu'on est au fond. On pense savoir ce qu'on veut, alors on passe son temps à essayer d'obtenir ce qu'on croit vouloir et on se rend compte qu'au fond, on n'en avait pas tant besoin que ça, qu'on aurait dû voir les choses autrement.
 
J'ai donc commencé à essayer de me trouver, moi aussi.
J'ai tout fait exploser à cause de ce quelque chose qui n'allait pas, quand j'avais 19 ans. J'ai eu le courage de faire un pas de côté pour ne pas m'enfoncer dans le pire encore, puis, je me suis perdue, en essayant de me retrouver.
 
Pour sortir de moi ce blocage, ce truc qui capte mes émotions, qui les empêchent de s'exprimer, qui me rend renfermée, asociale, je suis allée voir des psychologues, j'ai même fait du rebirth. J'ai rencontré des gens formidables, mais j'ai dû arrêter, car j'avais l'impression de dépenser tous mes sous et que rien ne progressait. J'en ai retiré certaines choses tout de même : j'ai découvert le pouvoir guérisseur et apaisant de la respiration ; j'ai trouvé des espaces de parole, ou je pouvais exprimer mes frustrations, mes doutes. Ce qui a permis aussi que je laisse en paix mes proches, comme ma maman et mon papa, mon frère, qui ont longtemps été le réceptacle de ma difficulté de vivre. Je m'en excuse et leur demande pardon. Sans le vouloir je sais que je les ai affaiblis. Je leur ai pompé un peu de leur énergie, j'ai souvent pris beaucoup de place, sans voir que pour eux non plus, la vie n'était pas si facile Ils m'ont vraiment témoigné un grand amour et une attention sans faille et cela, je n'aurai jamais assez de toute une vie pour les remercier. Merci à mon grand frère de ne jamais avoir lâché sa petite sœur, de l'avoir encouragée, portée à bout de bras.
 
Puis, je me suis inventée.
J'ai vécu dans un avenir fantasmé, qui ne me correspondait pas : première année de médecine,  assistante sociale, formatrice, professeur. Je me suis inventée intelligente, sociale, et puis maternelle et au bout du compte, je ne suis rien de tout cela. Chômeuse névrosée.

Et je continue à me réinventer, pas par schizophrénie, mais par besoin de conserver un minimum d'énergie, d'espoir. Subterfuges pour me voiler la face et ne pas me rendre compte que je suis dans une impasse.

Mais je commence à être lasse, épuisée, terrassée. La réalité, la fatalité a raison de moi petit à petit. A l'heure où j'écris ce message, je m'invente écrivain dans un nouveau sursaut d'espoir, mais c'est encore une impasse.
 
Je me suis peut-être trop inventée et je suis passée à côté de moi. Il n'est plus temps de m'inventer, il faut agir, le temps passe...






Dépression - Sonate des peurs en manque de confiance majeur

Croyez-vous que ce soit facile de voir les copines réussir, devenir médecin, infirmière, institutrice etc. Avec cette impression d'avoir été bernée, moi qui croyais que si je travaillais bien, j'aurais un beau destin. Eh bien non, je me fais largement dépasser. Je fais partie de ces revirements de situation qui inspirent la tristesse, mais qui flattent l'ego de ceux qui ont vécu le revirement inverse, passer de l'élève médiocre à l'adulte brillant. Encore une raison de se juger qu'il faut tenter d'endiguer.

« Il y a toujours une chance de recommencer » Qui c'est qui disait ça déjà ?

J'ai l'impression de les voir défiler ces chances de recommencer, sans pouvoir les attraper. Il y a un truc qui se passe en moi l'espace d'une seconde, puis plus rien.

Ce sont mes peurs ? me dit la psychologue. J'ai peur d'avancer. Super. « 50 euros, merci. »

Ces putains de peurs, oui, parlons-en alors. J'ai peur d'être jugée, peur de m'engager, peur de rater, peur d'être rejetée. Peur, peur, peur Toutes ces peurs en nous, qui nous tenaillent, nous étripent, nous plaquent au sol

J'ai peur de dire à mon patron que c'est un gros con. Alors je m’aplatis jusqu'à disparaître sous la moquette et je raconte tous mes déboires à mes collègues, qui sont indignés, pourtant. « C'est dégueulasse ce qu'il te fait ! Oh le connard ! » Mais le lendemain, ce putain de lendemain, je reviens et je m'assois à la même place qu'hier et que les autres jours, et pour me libérer de ce nœud qui m'enserre les entrailles à l'idée de l'affronter, lui, le boss, je ne fais rien, je prends sur moi et je me fais une raison. J'irai à la sophrologie ce soir et je regarderai l'Amour est dans le pré pour oublier.

J'ai peur de finir vieille fille, alors je trouve un mec, n'importe lequel et je me fais engrosser.

J'ai peur d'être rejetée, alors au lieu d'avouer à cet homme dont vous êtes tombée amoureuse que vous l'aimez, ben vous vous trouvez tous les défauts de la Terre pour qu'il soit supposé vous rejeter.

J'ai peur de me retrouver sous un pont, alors vous vous tuez au travail quitte à y perdre vos cheveux, votre appétit pour la vie et votre dignité.

J'ai peur d'avoir peur, alors vous ne bougez plus. Vous rentrez sous votre couette et fermez les yeux.

Moi j'avais peur d'être mise sur le bas-côté, maintenant, j'ai peur d'être réintégrée. Parce qu'à faire un pas de côté, hors de la cadence infernale d'un monde qui se presse de courir à sa perte, ben on s'apprécie mieux, on se comprend mieux, on maîtrise mieux. J'ai peur de ne plus rien maîtriser. Ce que je dois faire, qui je vais être J'ai peur de confier tout ça à la société.

Je sais que c'est moi qui ne vais pas bien dans ma tête, mais quand-même (enfin j'me comprends).
J'ai peur.

La confiance en soi ; ah, la confiance en soi ! Je me souviens de ce collègue qui faisait son mémoire de fin d'études sur l'estime de soi Il y en a des pages à écrire sur le sujet. La confiance en soi, c'est le remède, la potion magique, le suc, l'antidote, le médicament, l'onguent, le cataplasme, le breuvage salvateur qui te permet d'avancer, de construire, de créer ta vie. Sans elle, tu construis sur du sable, tu te bluffes pour te donner le sentiment d'être là où il faut, sans savoir que tu débloques, que tu es là où les autres ont accepté que tu sois, sans leur faire trop d'ombre, mais un coup de vent sur ta vie de fortune et tout tombe par terre. Le fondations cèdent, car pas assez solides et tout est à refaire. Ah, la confiance en soi !

Dépression - Psychologie du suicidé.

Demain, je passe encore un concours. Un concours de quoi ? Pourquoi ? Je ne sais même plus. Un concours pour avoir bonne conscience et croire encore que je corresponds au profil type qu'un employeur à envie d'avoir chez lui. Ne pas voir la réalité en face, toujours se voiler la face. Ptet qu'un sourire, un petit mot bien placé, plein de conviction dans la voix ? Croyez-vous qu'ils vont miser sur moi ? Combien l'enchère ? Allez, allez, soyez sympa ! Trente-deux ans, ça peut encore faire carrière ? C'est pas trop fripé, ça a de belles dents, plein de vigueur ! Mais comment donner l'envie de parier sur moi quand moi-même je ne parierais pas sur moi L'épreuve du réel, elle vous achève, elle détruit vos illusions, elle broie vos ambitions, votre motivation… Le nœud du problème : placer sa confiance en quelqu'un qui n'en a plus. Chercher la valeur de qui ne veut plus se vendre. À quoi bon ? Et qui fait encore ça, de nos jours ? Ben personne. Si tu veux plus te vendre, ben on te met en promo et au bout d'un moment, on te jette au rebut. Quitte à toi de trouver un bon-samaritain sur ton chemin. Mais… ça ne court pas les rues.

Et puis, il y a la dignité, toujours la dignité Mais jusqu'où faudra-t-il que je descende pour me la foutre au cul ma dignité ? Y a-t-il un moment où elle vous lâche, la dignité ? Un moment où vous seriez prêt à faire n'importe quoi ? Faut-il être sur le seuil des quatre planches pour accepter d'être sauvé ?

Quand tu es tombé tout en bas, tu ne peux plus que remonter. Alors, faut-il tomber tout en bas ? Faut-il en passer par là ? Poursuivre ce raisonnement est difficile, peut-être parce que je me rends compte que je suis en train de descendre tout en bas, dans une glissade qui ne finira sa course qu'au fond du ravin, alors j'ai peur.

Si encore, on pouvait passer son tour ? Admettre qu'on a mal joué et reprendre au départ. Ben non, la seule solution, si on veut vraiment passer son tour, c'est… N'y pense même pas ! Et encore on n'est pas sûr de se remettre sur la case départ. Ils y ont pensé les gens qui passent à l'acte ? Ils se sont renseignés avant, pour savoir si on avait le droit de rejouer ? Ou alors ils se sont dit qu'ils verraient bien, une fois de l'autre côté… Ptet qu'ils jouent à un autre jeu à l'heure actuelle ? Avec d'autres règles… En tout cas, j'espère qu'ils ont de meilleures cartes que celles qui les ont poussés au game-over ici bas. Les voix du Seigneur sont impénétrables et le resteront apparemment encore un bon moment. En même temps, arrivé à ton point de non-retour, ptet que tu te fous royalement de ce qui t'attend et que même si c'est Saint Pierre qui te reçoit avec son plus beau sourire, ben tu lui diras d'aller se faire foutre, dans un dernier élan anarchiste et désespéré et que son jugement dernier, ben, il peut se le fourrer là où tu penses. C'est vrai, ça ? Ptet bien que c'est comme ça que je réagirais moi, si j'étais vraiment au bout du rouleau au point de vouloir tout bazarder, corps et âme. Pourquoi on devrait rendre des comptes, merde ? Quand toute sa vie, on s'est déjà pris la tête ? Tu crois qu'il pense à ça le suicidé, au moment de monter là-haut ? Alors… euh…voyons… est-ce que je vais me faire engueuler d'avoir abréger ma vie, ou bien va-t-on me féliciter d'avoir eu le courage de sauter le pas ? C'est dingue, ce qui peut bien se passer dans la tête d'un suicidé. Ça mériterait un bouquin, ça : « Psychologie du suicidé ». Penser à faire une enquête-terrain une fois là-haut pour valider ou invalider les hypothèses… J'imagine la prospection :

«  Alors Richard. Vous vous êtes suicidé par pendaison au mois de mai 1992. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Oui, donc bon ben c'était à cause de mes dettes et de ma femme qui m'a trompé avec mon meilleur ami.
Effectivement, Richard, c'était une raison valable. Une question cependant : ce serait à refaire, le referiez-vous ?
Je ne sais pas… je dirais que ça n'était pas très agréable, déjà. Un peu long. Peut-être que j'utiliserais une autre méthode.
D'accord Richard. Vous pensez donc vraiment que la vie ne vaut pas d'être vécue.
Tout à fait.
Merci Richard. »

« Bonjour Marie-Dominique.
Bonjour.
Marie-Dominique, vous vous êtes suicidée le 14 juillet 2002. Alors pourquoi ?
Eh bien, je ne sais pas, en fait. Je crois que j'avais trop bu, et j'avais très mal à la tête. Je venais de me faire plaquer par mon mec, et l'alcool aidant, j'ai sombré dans un petit délire paranoïaque. J'ai attrapé la boîte de médicaments qui traînait et la bouteille de Destop pour faire passer.
Vous regrettez ?
Oui, bien sûr, de toute façon, je ne l'aimais pas mon soi-disant petit-ami. Je ne sais pas pourquoi le fait de boire et les bruits de la fête dehors ont créé chez moi cet état dépressif.
Marie-Dominique, en effet, c'est dommage, car apparemment, vous alliez gagner au loto le mois suivant…
Eh merde ! »

« Richard, vous attendiez-vous à cela, une fois passé de l'autre côté ?
Ah non, pas du tout, je voyais pas ça comme ça, mais ça va, c'est supportable au moins. »

« Marie-Dominique, à quoi pensiez-vous que ressemblerait l'après-vie ?
Oh là là, mais j'y pensais même pas, moi, ça m'est tombé dessus ! Mais si j'avais su, je peux vous dire que j'aurais pas avalé le cocktail au Destop, qu'est-ce que je me fais chier ! Mais qu'est-ce que vous allez en faire d'ailleurs, de votre caméra, y a même pas la télé ici.
Effectivement, Marie-Dominique, l'on peut donc constater que Dieu a de l'humour…»


Oké ? Bon. Donc Non.

Dépression - Illusionnisme

Je n'ai plus qu'à me pendre. Ou pas. Mais alors comment me débarrasser de cette culpabilité, et de cette sensation d'être une merde qui a raté sa vie ? Beaucoup se pendent pour moins que ça. Mais bon, j'ai pas envie. Ça fait mal et ça blesse les gens qu'on aime et ça résout pas le problème puisqu'on sait pas ce qu'il y a au bout du tunnel (ptet qu'on retrouve ses problèmes ?) Bref. Va falloir que je trouve mieux. J'ai fait le constat que j'étais devenue ce que j'avais peur de devenir, c'est-à-dire, une fille perdue, une chômeuse, qui n'a rien à faire, pas de responsabilités, qui normalement au bout d'un certain temps se met à parler vulgairement, le teint blafard, désabusée, et au bout d'un temps encore plus certain, se trouve une addiction pour oublier. Bon sang, mais comment j'ai pu en arriver là ?
 
Je suis dans la dépression et pourtant, j'arrive pas à en être vraiment consciente, ça me fait trop peur de mettre ce mot-là sur mon état. Alors j'écris, j'écris, je lis, je lis… espérant que peut-être le mouvement de mes mains sur le clavier, de mes yeux sur les pages m'apportera quelque chose, mais ça aussi j'y crois de moins en moins. J'ai peur que mes forces ne soient en phase de rémission. Je sens l'appel du lit, qui me tend sa couette et ses oreillers et qui voudrait que je me confie à ses soins, même en plein milieu de la journée… « Viens, viens, je vais te faire oublier tous tes tracas, je vais te détendre, tu n'auras pas à penser, à ruminer… » C'est terrible. Tout ce que j'entreprends devient difficile. De croiser des gens dans la rue devient insupportable.
 
Je programme des choses dans ma journée pour combler le vide, avoir l'impression que j'avance un peu, mais c'est du vent, c'est de l'occupationnel, rien n'a de cohérence, de sens dans ce que je fais. C'est du remplissage, des coups de tête, je saisis les occasions de faire quelque chose qui se présentent. L'essentiel est de « faire quelque chose » pour ne pas succomber à l'appel de la couette.
 
Je ne juge plus les déprimés, les rmistes, les gens qui se marginalisent. C'est trop difficile à vivre, la descente est lente, insidieuse et indolore. La remontée est encore plus lente mais douloureuse comme pas possible, voire impossible. C'est ce que j'ai peur de découvrir, que cette remontée est impossible. A l'aide !
Le plus difficile, c'est de voir les amis devenir médecins, avoir des enfants, des maisons, la comparaison toujours, se dire que si j'avais été autrement… peut-être si j'avais fait autrement… et puis, l'instinct de survie reprend le dessus, heureusement, la compassion pour sa petite tête qui finira peut-être par sortir de l'eau, qui aura appris plein de choses de cette galère… Oui, mais le temps passe et la compassion finit par lasser.

Je suis obligée de me bercer d'illusions pour tenir. L'illusion de retrouver du travail, un travail dans lequel je serai bien, l'illusion de me libérer de mes chaînes, d'oublier mes tourments, de me remettre dans la course de la vie, de sortir de ma torpeur, de mon cocon…

Ça fait du bien les illusions, mais ça détruit aussi parce que plus elles sont déçues, plus on les limite, moins on en a. On finit par avoir la réalité devant les yeux et là, c'est le drame. Plus d'illusions alors ! Vivre dans la réalité, accepter mes faiblesses, ma condition, résultats de mes errements. Mais là, c'est aussi le drame.

Il faut agir, retrouver des forces, du courage, de l'estime.

Dépression - Solitude et écriture

La solitude, ça tue. On se regarde, on s'examine, on se morfond à ruminer ses problèmes, on stagne, on s'abîme. On se pose des questions, trop de questions. On tourne en rond. Il est temps qu'on en sorte, mais quand on en sort, on est si fragile, qu'on doit y retourner. J'ai besoin d'aide, besoin d'être entourée, besoin de vivre, de respirer les autres, besoin d'échange, d'impulsions. Je cherche une porte de sortie, un exit dans ce sas de décompression qui m'étouffe et pourtant me rassure à la fois. Il faut que j'en sorte ou je n'y arriverai plus, coincée pour l'éternité... 
 
Elle te pourrit la solitude. Elle te réconforte au début, te tend les bras de la liberté et au bout d'un moment, tu comprends qu'elle t'a piégée : tu es pris dans ses griffes, tu n'arrives plus à t'en dépêtrer. Et plus tu t'enfermes avec elle, moins tu peux t'ouvrir aux autres, plus c'est difficile.

Affronter, le regard et le jugement des autres, seul salut ! Affronter les refus, les frustrations, pour vivre.
 
Alors j'écris. Je tourne en rond, mais j'écris. La vie me fuit, mais j'écris. Et j'écrirai encore et toujours et même si tout devient noir et encore plus noir, j'écrirai. J'ai besoin de sentir ce bouillonnement en moi, ces idées qui m'agitent et me laissent en sursis. C'est mon dernier sas de sécurité. Ma dernière porte de sortie. Sortir de moi cette gangrène qui gagne du terrain, qui paralyse, qui affaiblit. Gueuler mon désespoir, mon envie de vivre inassouvie. Ça a merdé, et alors ? Je suis toujours en vie, merde !! Anesthésiée par mon propre cerveau, mais en vie.

Comme le dit si bien Céline, le voyage, c'est la recherche de ce rien du tout, de ce petit vertige pour couillons. (p.214 « Voyage au bout de la nuit ») Mon petit vertige pour couillons à moi, en ce moment, celui qui me sort un peu la tête de mon marasme, c'est l'écriture. Mais mon « Voyage au bout de la nuit », lui, il n'est pas terminé.
 
Dans mon petit cocon, dans mon no man's land à moi, j'écris, pour ne pas penser que j'aurais pu être, et que je ne suis pas, que ma vie s'est arrêtée, sur « pause », qu'elle s'est figée de stupéfaction en voyant qu'elle n'arrivait pas à être. J'écris, j'écris… Que le temps passe et m'angoisse de plus en plus, qu'il faudrait pouvoir revenir en arrière avec la compréhension qu'on a des événements de sa vie, sans savoir si on pourrait changer les choses et rectifier le tir. J'écris que je ne suis pas heureuse mais que je suis libre, que je ne gagne pas de sous, et suis-je vraiment libre ? Est-ce cela la liberté ? d'être seule dans son coin, sans responsabilités, avec le moins possible de contraintes, mais aussi sans champ d'action, sans action sur le monde, sans sens, sans amis C'est ça la liberté ? Je ne suis pas sûre. Mais pourquoi suis-je tellement en colère ? En colère contre moi, contre ce qui s'est passé pour que j'en arrive là, contre les souffrances que j'ai endurées Une jeunesse à souffrir dans son corps, dans son esprit. Normal que je sois en colère. Mais je ne peux pas rester dans cette colère. Elle m'étouffe. Je dois accepter ce qui s'est passé pour avancer, faire table rase, tout recommencer.
 
J'écris que je me sens morte à l'intérieur, que le Xanax doit apaiser un peu mon désespoir, mais que je me sens vide, inutile, seule, fragile.

Je vois défiler la vie, à trente-deux ans, comme si j'en avais soixante-dix. Comme si on m'avait volé ma vie et que j'étais déjà à la dernière étape, sans avoir pris les années de vieillesse. Je suis triste. Je n'ai plus d'émotions. Mes seules émotions, c'est une soirée devant un bon film et un bon repas, avec du vin, si possible. J'ai peur. J'ai peur d'être morte et pourtant encore en vie, d'être morte-vivante, alors j'écris. C'est ce qui me reste d'évasion, c'est ma seule ressource vers l'authenticité qui est encore en moi, tapie, au fond de ce corps mort et meurtri. C'est ce qui me relie encore à mon âme d'enfant, au souvenir de celle que j'ai été, quand je vivais, même si en sursis. Car je m'avançais déjà vers cette destinée étrange, de non-vie.
 
Je suis bloquée, j'arrive plus à avancer. Je suis chez moi, au fond de mon lit et je sens que je pourrais y passer toute la journée… Je suis allée courir cet après-midi, et puis j'y retourne, dans mon lit, sous ma couverture… Je n'arrive plus à me projeter, ni dans ma vie sentimentale, ni dans ma vie professionnelle. Je regarde la télé, je dors, je réfléchis, je lis, je tourne en rond, je fais du ménage pour avoir l'impression de servir à quelque chose, de faire quelque chose d'utile…
 
J'ai pourtant envie de vivre, je n'ai que trente-deux ans, et je suis déjà à bout. Ah si je pouvais reprogrammer mes circuits mentaux, formater, libérer de l'espace disque et réécrire un nouveau programme. J'enlèverais les bugs, je mettrais un bon firewall et je rajouterai des barrettes de mémoire vive pour que le programme tourne à vive allure !

Le firewall, important pour ne pas se faire bouffer par les autres, par les pensées négatives et les attaques émotionnelles, véritables virus informatiques.

Ma plus grande peur, c'est celle de ne jamais plus sortir de cet immobilisme, dans cet état stagnant dans lequel je me suis fourrée. Je me suis perdue, je ne sais plus dans quelle direction avancer. Plus rien ne me motive, plus rien n'a vraiment de sens à mes yeux. L'impression que tout est joué, que je suis tombée trop bas pour remonter. Plus rien ne m'intéresse vraiment. Et je n'ai plus envie de souffrir, pas envie de devoir faire mes preuves, de me battre. J'ai plus la force de reprendre des études, j'ai plus la force de m'inventer un talent quelconque, plus la force d'essayer à nouveau… et j'ai peur. Je veux pas finir vieille fille enfermée chez elle par peur des autres (avec un chat pour le cliché). Pourtant, c'est ce qui me pend au nez si je ne fais rien. Au secours ! J'étais pas comme ça au fond de moi, je suis pleine de vie, d'humour, j'ai besoin des autres, de partage, d'émotions ! Revenez à moi les émotions, la vie, la confiance ! Vous êtes sûrement toujours là, en moi, tapis dans l'obscurité et les méandres de mon cerveau ! Prenez le dessus ! Partez au combat ! Je vous l'ordonne… enfin je vous en supplie…
 
Des fois, je me dis que j'aurais jamais assez de forces pour remonter la pente, j'arrive au bout de mes capacités de résistance, je tiens plus le coup, je vais basculer dans la drogue, l'alcool…

J'ai peur de devenir alcoolique. Je la vois la bouteille qui m'appelle, qui me tend son goulot, qui fait briller ses formes lascives. Je la sens qui m'appelle : « Je suis la solution ! Je suis la solution ! Depuis la création du vin, l'homme n'a jamais trouvé de meilleure solution pour panser ses plaies. » Les palabres et discussions à bâtons rompus sur le divan du psy ne font que reculer le saut du bouchon ! Chimiquement la meilleure solution pour faire taire les ruminations, les désespoirs. C'est dingue. Prix cassés sur le vin, Foire aux vins ! Tout incite. Et c'est pas 50 euros la bouteille, pour un soulagement de bien plus d'une heure ! Meilleur rapport qualité-prix ! C'est vers trente ans qu'on y pense. Quand on a raté sa vie, qu'on voit les autres récolter le fruit de leur dures années de labeur : fric-enfants-maison. Alors on se sent en besoin. Avant, on tente tout sans toucher aux substances chimiques, dès trente ans, on s'en fout. On a tout essayé, sans résultat. Est-ce un hasard si je me suis installée en face d'un toxico, charmant évidemment pour me laisser attirer dans ses filets (c'est moi qui ai fait le premier pas). Je ne le savais pas, mais j'avais alors tout loisir de me mettre à fumer avec lui. J'ai pas fait. Maintenant c'est Xanax qui s'occupe de moi. C'est pas mieux, mais c'est garanti cent pour cent bonne conscience, puisque sous avis médical.